L’État, plusieurs fois condamné pour son inaction climatique, organise une consultation express sur la Loi d’Orientation Agricole (LOA) prévue pour l’automne 2023.
La Surface Agricole Utile (SAU) de l’Ile-de-France représente 49% de son territoire et se répartit en 4425 exploitations agricoles en 2020, soit une baisse de 12% par rapport à 2010. La région est autorité de gestion des aides non surfaciques du Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER) et a un rôle majeur à jouer dans les politiques agricoles. À ce titre, les élu·es du Pôle Écologiste à la région Ile-de-France contribuent à cette consultation du public pour défendre une voie alternative à l’agriculture productiviste boostée par le tout technologique et les subventions publiques.
L’agriculture fait face à deux défis majeurs dans la décennie à venir : le renouvellement des générations et la transition agroécologique pour renforcer sa résistance et sa résilience face aux dérèglements climatiques.
Prendre conscience de l’urgence, se tourner vers l’avenir
L’urgence climatique prend une forme de plus en plus concrète dans le quotidien des français·es. Sécheresse, méga feux, inondations, l’agriculture est particulièrement touchée par les effets des dérèglements climatiques. L’agriculture est le deuxième poste d’émission de gaz à effet de serre (GES) de la France (soit 19%), juste après les transports. Les politiques publiques doivent impulser un changement rapide et profond des pratiques agricoles, à travers des actions visant à atténuer et à s’adapter à ces dérèglements climatiques, directement liés aux activités humaines.
Une refondation des politiques de subventionnement de l’agriculture
Un rapport d’inspection, publié en janvier 2023, montre que 10,2 milliards d’euros de subventions publiques, financées par l’État ou l’Union européenne, sont “dommageables à la biodiversité”. La transition agroécologique doit passer par un transfert des subventions publiques au modèle conventionnel productiviste et destructeur de ressources et de biodiversité vers l’agriculture biologique et paysanne. Cette forme d’agriculture, plus résiliente et bénéfique à l’équilibre des écosystèmes, est la plus à même de répondre aux défis climatiques des décennies à venir. La Loi d’Orientation Agricole doit prendre ce virage des politiques étatiques vers un soutien beaucoup plus massif à l’endroit des agriculteur·ices et paysan·nes biologiques, tant sur les investissements agricoles que dans les aides au maintien.
La gestion de l’eau comme un bien commun en raréfaction
Au regard de la multiplication des sécheresses et des épisodes récurrents de canicule, une action forte doit être menée pour assurer une juste et équitable répartition et gestion de la ressource en eau. Les choix de culture fortement dépendants de l’irrigation (6,1% de la Surface Agricole Utile en Ile-de-France) doivent être repensés pour mieux s’adapter aux dérèglements climatiques et ne pas les amplifier.
Un virage sur les pesticides et engrais
Les pesticides et engrais chimiques accélèrent la cinquième extinction de masse de la biodiversité, contribuent à la dégradation de la qualité des sols et engendrent le développement de pathologies très graves (maladies chroniques, cancers) chez les agriculteur·ices et les consommateurs. Leur place doit être interrogée et des politiques réellement incitatives pour réduire leur usage dans l’agriculture sont indispensables. Aussi, l’abandon du soutien aux labels de “greenwashing” comme la “Haute Valeur Environnemental”, dont tous les rapports démontrent son impact nul sur le climat, doit être acté par cette loi.
Une place plus soutenable pour l’élevage
Le gouvernement doit également se saisir de la question de l’élevage, responsable de 69% des émissions de GES de l’agriculture. Alors que la filière reçoit plus d’un milliard d’aides publiques par an et que la consommation a crû de 34% depuis les années 1970 (de 3,8 millions de tonnes en 1970 à 5,8 M en 2021), la Stratégie Nationale Bas Carbone prévoit une baisse de la consommation de viande de 20% entre 2015 et 2050. Les écologistes appellent à une ambition renforcée et proposent de suivre le scénario de transition de l’ADEME qui prévoit une baisse de 70% de la production de viande d’ici 2050 (soutien à la polyculture-élevage et abandon de l’élevage intensif).
Le problème du renouvellement des générations : une opportunité pour accélérer la bifurcation de l’agriculture
De plus, en France, la moitié des 496 000 agriculteur·ices actuellement en activité sera en âge de partir à la retraite dans les 10 ans à venir. Les pouvoirs publics doivent agir pour attirer, former et soutenir une nouvelle génération d’agriculteur·ices et paysan·nes pour prendre le relai des exploitations, à travers des dispositifs ambitieux de formation et des campagnes de sensibilisation aux enjeux des métiers de l’agriculture. Le recrutement massif est impératif pour limiter le processus de concentration des terres agricoles par des “gros” exploitants et des fonds d’investissement. Ce recrutement pour renouveler les générations d’agriculteur·ices et paysan·nes permet d’éviter l’explosion de la taille des exploitations et donc le recours à des pratiques qui s’appuient sur la technologie et encouragent, de facto, le productivisme irraisonné qui mobilise de l’irrigation et des épandages de pesticides et engrais conséquents. La non-concentration des terres, qui implique une action sur le foncier agricole modernisée, permet la pratique à plus petite échelle d’une agriculture qui garantit une meilleure diversification des cultures, des usages équilibrés des terres et une utilisation soutenable des ressources. La transition agro écologique doit être systémique et massivement soutenue par les politiques publiques, le renouvellement des générations est ainsi une opportunité de la réaliser rapidement dans la décennie à venir. La loi doit appréhender la féminisation de l’agriculture, agir pour le renforcement de la souveraineté alimentaire et renforcer la place des circuits-courts et de proximité.
La loi d’orientation agricole doit donc combiner ces deux impératifs et prendre le virage de l’agriculture de demain.