Contribution du Pôle Écologiste à la révision du SDRIFE, schéma directeur de la Région Ile-de-France

A

Préambule 

Par un courrier du 1er juillet 2022, le Vice-Président Jean-Philippe Dugoin-Clément, invitait les groupes politiques à faire “une contribution sur les grands principes qui guideront [les] travaux [du SDRIFE] dès que possible”. 

Nous continuons à regretter que depuis l’annonce par l’exécutif régional de la révision du Schéma d’aménagement de 2013, nous ne soyons pas mieux associé.es au travail mené, particulièrement dans sa forme opérationnelle. 

Prenant place dans un contexte d’urgence climatique et sociale, cette première contribution est donc, pour nous élu.es écologistes, l’occasion de présenter le prisme sous lequel nous pensons que les politiques d’aménagement et d’organisation du territoire doivent être menées.

PARTIE I : Répondre à l’urgence climatique : un impératif vital

« Nous sommes à un tournant. Nos décisions aujourd’hui peuvent assurer un avenir vivable ». Ces mots sont ceux de Hoesung Lee, directeur du GIEC, le groupement intergouvernemental sur l’évolution du climat. Les rapports du GIEC, parus en 2021, puis dans le courant du premier semestre de 2022 , exhortent à un changement total de trajectoire et à la réduction “rapide, radicale et le plus souvent immédiate” des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs.

L’été 2022, le plus chaud jamais enregistré en Europe selon le service européen sur le changement climatique Copernicus, le deuxième plus chaud observé en France depuis au moins 1900, a matérialisé, de manière brutale et concrète, les alertes émises par le GIEC. De nombreuses régions ont été confrontées à des phénomènes climatiques extrêmes – sécheresses, canicules répétées et prolongées, incendies dévastateurs, tempêtes meurtrières, inondations majeures -, d’une teneur et d’une ampleur jamais connues auparavant (comme en Bretagne).  

Il y a 7 ans, les accords de Paris engageaient les pays signataires à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.  

Alors que notre planète a déjà subi un réchauffement global moyen de 1,2°C depuis l’ère préindustrielle, les températures dans notre seule région ont augmenté d’environ 2°C depuis le milieu du XXème siècle (+0,3°C par décennie).

Destruction de la biodiversité, surexploitation des ressources, pollutions : c’est tout notre système de production, de consommation, d’habitat, de déplacements, d’organisation des espaces qu’il faut transformer.

Un défi immense pour la puissance publique, mais aussi une opportunité de se réinventer

C’est donc peu dire que c’est dans un moment charnière, “un tournant”, que s’inscrit la présente révision du Schéma directeur de la région Ile-de-France. 

Mais si l’heure est grave, elle est aussi une opportunité, pour la puissance publique en général, pour notre région en particulier, de se réinventer, de se saisir de sa capacité d’agir, de mobiliser son potentiel de levier et d’impulsion et ainsi, en s’appuyant sur la richesse du territoire, les forces vives et les ressources naturelles dont il regorge, de pouvoir répondre, au travers de l’aménagement, au défi environnemental et de l’urgence climatique.

Cela ne sera néanmoins possible qu’à condition de définir des objectifs ambitieux au service d’une trajectoire lisible, fondés sur un diagnostic transparent, et régulièrement évalués au moyen d’indicateurs précis.

Le premier des éléments diagnostiques indispensables est bien entendu le bilan carbone régional, soit le détail des émissions de gaz à effets de serre émis au niveau régional. 

Comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, cet état des lieux est le point de départ et la référence incontournables pour prendre des décisions adaptées et efficaces, bien au-delà de sa seule prise en compte au travers de l’évaluation environnementale.

L’atteinte des objectifs fixés ne peut ensuite passer que par la mise en œuvre de politiques publiques claires, courageuses et volontaristes et l’affectation de moyens financiers adéquats.

A la recherche de l’ambition et du volontarisme de la région

Parce qu’il détermine les conditions d’utilisation des sols et d’organisation des espaces et structure nos usages et nos modes de vie pour des dizaines d’années, le SDRIF-E est un document stratégique majeur, un levier d’action central pour engager le territoire dans une trajectoire vertueuse. 

A ce stade pourtant, nous, élu.es écologistes, sommes inquièt.es. En effet,  nous ne percevons pas, de la part de l’exécutif régional, de prise de conscience réelle de l’urgence climatique et de la nécessité de changements structurels profonds et systémiques. 

Pas plus tard que le 22 septembre 2022, la majorité régionale a soumis au vote de l’assemblée son Plan de protection, de résistance et d’adaptation de la région Ile-de-France face au changement climatique.

Mais il est apparu déconnecté et bien peu ambitieux eu égard aux vulnérabilités déjà visibles du territoire (absence de cadrage, d’objectifs, d’indicateurs clairs).

C’est le constat que nous faisons encore à la lecture, par exemple, du dossier de concertation sur le SDRIF-E mis à disposition du public sur le site internet https://www.iledefrance.fr/objectif2040, dans le cadre de la concertation obligatoire en application du code de l’environnement. 

Dès le premier paragraphe de l’édito de la Présidente, l’énonciation des [“différentes crises” nous confrontant “régulièrement” à l’urgence], laisse penser qu’elles seraient des épiphénomènes, survenant ex nihilo. Une manière d’en rester à une gestion court-termiste de leurs conséquences, sans en interroger les causes. Une manière également de nier qu’elles sont le résultat d’un modèle de développement et d’aménagement du territoire, d’organisation de l’espace, de production et de consommation à bout de souffle, qui remet en cause la vivabilité même de notre région. Le 2ème paragraphe parle d’ailleurs “d’aider les Franciliens à traverser les difficultés”, comme si la crise écologique et climatique à laquelle nous sommes confronté.es était une simple parenthèse. 

D’autres phrases du texte nous paraissent en décalage avec les exigences du contexte : “préparer un avenir agréable pour nous et nos enfants”, de “[renforcer] l’Ile-de-France”, assurer “une sobriété foncière plus affirmée” et “une préservation accrue de la biodiversité”, “concilier environnement et développement”, sobriété et attractivité”. 

Face au défi climatique, les responsables politiques doivent faire preuve d’ambition et de volontarisme. Ce n’est pas une option politique, mais une exigence qui s’impose à toutes et tous et dépasse les clivages idéologiques.

Les politiques d’incantation et de greenwashing à base de slogans finalement assez désincarnés (en témoigne le “ZEN, ZAN et Zéro déchets” répété à l’envi), le décalage que nous ne cessons de constater entre les intentions affichées à grand renfort de communication et la réalité des politiques menées (en témoigne le récent Plan d’adaptation), affaiblissent la parole publique. Pire, ils décrédibilisent les objectifs qu’exige pourtant l’urgence climatique. Il faut faire beaucoup plus d’efforts, beaucoup plus vite.

Nous, écologistes, réaffirmons donc que la Région Ile-de-France doit sortir de la politique des petits pas et se saisir pleinement du SDRIF-E pour prendre le virage attendu et changer profondément de modèle.

PARTIE II : Notre contribution, un référentiel 

Demain,  le Schéma directeur de la Région Ile-de-France doit être un projet d’aménagement du territoire et d’organisation des espaces qui répond au défi climatique et à la lutte contre les inégalités.

Nous proposons une approche du SDRIF-E basée sur 6 grands principes : la  Sobriété, la Démocratie, la Résilience, l’Inclusion, le Féminisme et l’Écologie. 

La Sobriété est le premier principe qui doit régir l’ensemble du document,  si nous voulons que celui-ci ait une portée efficace sur les vulnérabilités de notre région.

La sobriété doit être notre boussole.

Le GIEC définit la sobriété comme « un ensemble de politiques, de mesures, de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter des demandes d’énergie, de   matériaux, de biens, de terres tout en assurant le bien-être de tous les êtres humains dans les limites planétaires ». 

Le CESER quant à lui appelle “à faire de la résilience et de la sobriété des éléments-clés dans les principes d’aménagement”.

Du Zéro Artificialisation Nette au Zéro Artificialisation Brute  

L’introduction dans la Loi du 22 août 2021 portant Lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets d’un objectif de ZAN à horizon 2050, d’une réduction du rythme de l’artificialisation par tranche de 10 ans et d’une échéance à 2024, pour les régions, pour intégrer ces obligations dans leurs schémas marque une évolution notable du regard porté sur le sol. 

L’article L. 101-2-2-1 du Code de l’Urbanisme définit aujourd’hui l’artificialisation comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol ».

Pendant longtemps, dans sa représentation même, le sol a été déconsidéré et appréhendé exclusivement comme une surface plane, inerte et un espace vide à remplir, à optimiser.

Cette évolution du regard sur le sol, induite par le ZAN, va donc dans la bonne direction. 

Mais elle n’est pas suffisante, tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif. Non seulement le flux de compensation (c’est-à-dire la quantité de terrains à renaturer pour compenser celle qui aura été artificialisée), sera rapidement insuffisant, mais dans son application même, le ZAN n’est pas en mesure de préserver et de perpétuer l’intégrité physique, chimique et biologique des sols, dont dépendent pourtant leur richesse et leur précieuse diversité fonctionnelle : réserve de biodiversité, régulation de l’eau, stockage du carbone, réserve alimentaire, lutte contre la pollution, ressource de matériaux.

C’est pourquoi la Région Ile-de-France doit définir une trajectoire ZAN beaucoup plus ambitieuse que la loi et aller vers la ZAB.

Plus que la ZAN, c’est plutôt la ZAB (zéro artificialisation brute, zéro artificialisation tout court) qu’il faudrait viser. Nos villes pourraient devenir « stationnaires », cesser de grignoter (à l’échelle annuelle), de dévorer (à l’échelle de quelques décennies) leurs terres voisines. Plus tôt nous mettrons en pratique la zéro artificialisation, plus 

grande sera notre résilience (alimentaire, entre autres), notre capacité collective à encaisser les chocs à venir”.

La conscience des sols : cartographier la trame brune

La première exigence est de partager une “conscience du sol” et de l’intégrer pleinement à notre manière d’appréhender, de gérer et d’organiser les espaces. Pour cela, il est indispensable de disposer, partout en Ile-de-France, de mesures sur l’état, la qualité et les caractéristiques des sols et de rendre compte de toute cette palette dans la carte même de destination générale des différentes parties du territoire (CDGT). 

Nous proposons donc l’intégration au SDRIF-E de la Trame brune, dont la représentation, avec différentes nuances de couleurs rendant compte de leurs diverses qualités fonctionnelles, permettra d’objectiver la destination et l’utilisation des sols et le cas échéant de les sanctuariser et les préserver de toute artificialisation. 

Caractériser ainsi la qualité agronomique de terres agricoles (telles celles de Gonesse, qui permettent la culture de maïs sans irrigation) permettra non seulement d’éviter leur artificialisation, mais contribuera également à maintenir une diversité des cultures dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau et de besoin alimentaire.

Logement 

  • Faire avec l’existant

Le futur SDRIF-E fixe à 50 000 le nombre d’habitant.es accueilli.es annuellement. Pour y répondre, Jean-Philippe Dugoin-Clément, en mars 2022, déclarait : “Nous devons construire des logements […] A ce stade, nous n’avons fixé aucun objectif quantitatif. Sinon, la concertation ne servirait à rien. En revanche, nous sommes persuadés qu’il faut relancer la production de logements, ne serait-ce que pour accueillir ces 50 000 nouveaux Franciliens par an.”

Pourtant, le système est tel que pour un habitant supplémentaire, ce sont deux logements qui sont mis en chantier. Ces 5 dernières années, alors que la  population générale a augmenté d’environ 165 000 personnes par an, l’augmentation moyenne du parc de logement a été le double (environ 350 000 en moyenne). 

Concernant l’Ile-de-France, l’Institut Paris Région affirme que 80% des logements dont nous aurons besoin sont déjà existants.

Selon l’Insee, ce sont près de 400 000 logements en Ile-de-France qui sont vacants dont 18 600 au coeur de la métropole de façon structurelle (c’est-à-dire, depuis au moins deux ans).35% de ces logements sont détenus par les multi-propriétaires.

La sous-occupation, moins connue que la sur-occupation, n’en est pas moins un phénomène réel, lié à l’évolution de la structure familiale (les foyers se composent désormais majoritairement de deux, voire quatre personnes avec les enfants, quand plusieurs générations cohabitaient auparavant). 

Nous demandons que ce gisement soit interrogé et exploité. 

De plus, nous demandons la communication d’une cartographie précise du parc de logements, intégrant des données telles l’occupation du parc social, les logements vacants, les bureaux vides, les passoires thermiques doit être l’un des supports d’un changement du modèle et des pratiques.

Le parc de logements, au regard de leur état, de leur forme, de leur taille, de leur positionnement, de leur usage, n’est pas en adéquation avec les besoins réels.

Considérant que les besoins pourraient être majoritairement couverts par l’existant, il convient donc que les pouvoirs publics, avant de parler de nouvelles constructions, questionnent d’abord l’existant pour mieux le requalifier, en concentrant efforts et moyens sur la rénovation et la réhabilitation du parc vétuste, la lutte contre la vacance, l’amélioration de la mobilité et du parcours résidentiels, la transformation des bureaux, le développement de l’habitat partagé, de l’habitat participatif, des logements évolutifs, etc.

Par ailleurs, alors que le secteur du BTP est très consommateur d’énergie et représente 25 % des émissions de gaz à effet de serre, la nécessité de réfréner le rythme de construction et de privilégier le réemploi dans le cadre d’un développement de l’économie circulaire et de la création de nouvelles filières, est désormais défendue par des promoteurs et de grandes agences d’architecture. La ville de demain, vertueuse et durable, est « une ville dans laquelle on arrête de 

construire des m², et où on trouve les solutions pour mieux utiliser ce qu’on a déjà.» affirme ainsi Dominique Alba, directrice de l’Apur. 

  • Questionner et qualifier le concept de densité

La densification est très souvent présentée comme une solution écologiquement acceptable et efficace pour répondre aux besoins en limitant l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. Mais il s’avère que le bilan écologique réel de cette logique est bien plus contestable.

En premier lieu, on fait face rapidement à un seuil dit de “contre-productivité”. Plus on augmente le nombre de niveaux, plus les dépenses de matériaux par mètre-carré  et la consommation énergétique sont grandes (ascenseurs, dispositifs techniques supplémentaires, fondations plus profondes…), neutralisant rapidement les effets positifs de la mutualisation des murs, planchers, plafonds et toit.

Deuxièmement, la réalité est que plus on densifie et plus on étale et artificialise… ailleurs. Les espaces dits servants de la ville sont en effet déportés vers l’extérieur (c’est le cas par exemple des plates-formes logistiques ou de cité scolaire), tandis que les comportements d’hyper-consommation ou d’ultra-mobilité sont plus prégnants chez les ménages vivant en hyper-centre densifié. 

Alors que les orientations du SDRIF-E affirment une volonté de densifier (“densifier les tissus urbains pour une mixité urbaine renforcée” ; “densifier autour des transports en commun”), nous  souhaitons là encore que ce concept soit réinterrogé et mieux défini.

Pour une remise à plat de la politique de transports et de déplacements : vers une sobriété de la mobilité

Une politique de transports et de mobilités ambitieuse et adaptée aux enjeux d’aujourd’hui comme de demain passe par l’arrêt des constructions de nouvelles routes. Celles-ci au prétexte d’en décongestionner d’autres ne font qu’aggraver la situation, renforcer l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, tout en augmentant le flux de la circulation motorisée et les émissions de polluants et de CO2. Dans l’attente des prochains SRCAE et PDUIF, la région doit cesser de financer les projets inutiles, dispendieux et climaticides. 

Il ne fait aucun doute que le CDG express, la Ligne 17 nord, la Ligne 18 ouest doivent être abandonnés. Ils ne font que renforcer les inégalités en Île-de-France, artificialisent et détruisent des terres fertiles et nourricières essentielles, sans jamais répondre aux vrais besoins des habitant.es (qui attendent un meilleur maillage, des transports de desserte, plus de régularité…). Cela participe notamment au phénomène, décrit plus bas, des villes dissociées.

La crise climatique et sociale, les dysfonctionnements récurrents subis par les usager.es (retards, pannes…), les décalages des projets et les dérapages financiers insolubles, plaident plus que jamais pour une remise à plat complète de la politique des transports en Île-de-France. 

Le SDRIF-E doit être le levier et le cadre de ce nécessaire changement de braquet. Bien entendu, le moment venu, le Pôle Écologiste de la Région Ile-de-France fera force propositions dans le cadre de la révision du Plan de Déplacements Urbains.

Vers une transition écologique et sociale du tissu économique 

La stratégie régionale qui reste orientée vers “attractivité” et “rayonnement international”, conforte la logique concurrentielle, extractiviste et prédatrice de ressources qui détruit notre planète.

Nous défendons que le SDRIF-E doit être un déclencheur pour un nouveau modèle économique et résilient. Economie de proximité, économie circulaire, économie sociale et solidaire, transition écologique de nos industries, relocalisation de nos productions essentielles, low-tech, sont l’opportunité de répondre à l’urgence écologique et sociale et d’impulser des manières de produire, de consommer plus sobres et plus justes, en créant des centaines de milliers d’emplois.

La Région Ile-de-France ne peut pas ignorer que la consommation est un enjeu majeur de la transition écologique. En effet, cela oriente la production, l’industrie, mais aussi le frêt et, dans le contexte de développement toujours plus rapide de l’économie de la livraison, cela a un impact majeur sur l’artificialisation des sols (par la création de plate-formes logistiques, dark-stores…). 

A ce titre, nous défendons un SDRIF-E porteur d’une stratégie économique totalement renouvelée, que toujours plus d’acteurs économiques appellent eux-mêmes de leurs vœux.

Démocratie. Nous attendions sur le SDRIF-E une concertation exemplaire. Malheureusement, au-delà des informations obligatoires et du cadre très formel de la concertation telle que menée par la CNDP, force est de constater que la démarche est en réalité peu participative, parcellaire et verticale. 

Le SDRIF-E, qui “fixe des limites, impose des orientations et des règles”, et “offre un cadre […] qui assure la cohérence des différentes politiques sectorielles et leur bonne inscription dans l’aménagement du territoire” est un sujet transversal Environnement, Logement, Développement économique, Transports, Agriculture et Ruralité, Santé : toutes ces commissions auraient dû être intégrées et impliquées dans le travail de cadrage et réglementaire en cours. 

Nous pensons que l’exécutif régional, en ne sortant pas de ses postures et en négligeant le travail participatif et la co-construction au sein de l’institution, ne se donne pas tous les moyens d’élaborer un document ambitieux et à la hauteur du défi environnemental et de l’urgence climatique et sociale, et qui puisse être porté, incarné et décliné dans les territoires.

Encore plus que du compromis dans les décisions politiques, ce qu’il faut bâtir, c’est du consensus social. […] Ces efforts impliquent des choix, dans nos façons de produire, consommer, répartir les revenus, vivre collectivement. Il faut, nous le disons dans notre note, « construire la légitimité des arbitrages ». Sans quoi l’écologie ne peut aller de l’avant.” 

Le SDRIF-E est une formidable opportunité de créer des liens continus et durables avec les habitant.es, de créer une culture commune de l’aménagement qui se nourrit des réalités, qui reconnecte les usager.es avec les institutions. Il s’agit de rendre le SDRIF-E et ce qu’il implique, compréhensibles et accessibles afin de créer les conditions de son appropriation par les territoires et les habitant.es. 

Nous attendons une présentation des moyens et des actions pour animer et faire vivre le SDRIF-E dans les territoires. A titre d’exemple, le magazine régional pourrait en être l’un des supports.

Résilience vient du latin Resilio qui signifie « rebondir ». 

Nous considérons que la Région Ile-de-France doit aujourd’hui être un levier d’accélération de la transition et de l’adaptation des territoires, au travers de l’ensemble de ses politiques publiques réévaluées en fonction de leurs impacts environnementaux et orientés vers des objectifs précis. L’aménagement du territoire devra être pensé à l’aune de ceux-ci.

Les vulnérabilités

Le SDRIF-E doit intégrer et favoriser la connaissance partagée des vulnérabilités actuelles du territoire francilien et recenser les leviers d’adaptation au réchauffement climatique. Appliquées à l’aménagement (végétation et biodiversité ; eau ; forme urbaine et orientation des voies ; forme et orientation du bâti ; énergies renouvelables ; îlots de fraîcheur…), ces données sont essentielles pour réduire à terme la vulnérabilité des populations et des territoires et repenser sous cet angle l’organisation et la gestion des espaces.

La santé, au coeur d’une politique d’aménagement résiliente

Aucun projet d’aménagement ne devrait être élaboré sans intégrer, dès l’origine, la question de son impact sur la santé.  

Concrètement, on sait qu’environ 80 % de l’état de santé des habitant·es dépend de facteurs et déterminants économiques, sociaux et environnementaux. 

Mesurer par un cadre référentiel, des indicateurs et des outils de suivi l’impact de nos politiques d’aménagement et des activités sur la santé est un support précieux d’aide à la décision, qui favorise des choix durables, sains, équitables, respectueux du bien-être des habitant·es et de la préservation de la qualité de leur environnement, de lutte un moyen de lutter contre les inégalités. 

Démarche encore émergente, les EIS (Evaluation d’impact en santé) devraient être généralisées pour mesurer concrètement les effets des projets sur la santé des habitant.es (exposition chronique à la pollution de l’air, îlots de chaleur, impacts des sols pollués) et favoriser la prise de conscience des acteurs sur les répercussions concrètes de leurs décisions et de leurs actions. 

Le SDRIF-E est l’opportunité de porter cette exigence pour mettre fin aux projets dangereux pour la santé (pollutions de l’air, de l’eau, des sols, perturbateurs endocriniens, ilôts de chaleur…).

Les énergies 

La question des énergies, de leur production et de leur distribution et de leur juste répartition territoriale doit faire partie intégrante du Schéma d’aménagement de la région Ile-de-France.

Méthanisation, géothermie…Nous devons aller vers des solutions renouvelables et décarbonées, faire reposer leur développement sur un cahier des charges précis, dans une logique d’économie circulaire, d’intégration paysagère, de concertation avec les habitant.es.  

Le SDRIF-E doit constituer le cadre ambitieux pour accompagner les territoires à être partie prenante de la nécessaire transition énergétique, au cœur du modèle de développement sobre et résilient que nous défendons pour la région Ile-de-France.

La révision du SRCAE sera l’occasion, pour le Pôle Écologiste, de porter cette exigence.

Inclusion « Une société inclusive n’est pas une utopie […] L’inclusion doit être appréhendée, en dehors de toute logique budgétaire à court terme, comme un investissement durable, source d’humanité mais aussi de richesses pour la société tout entière . »

En finir avec les villes dissociées

Dans un entretien du 25 mars 2022 au Moniteur, Jean-Philippe Dugoin-Clément appelle à “sortir du mythe du rééquilibrage est-ouest”. 

En 40 ans, l’Ile de France, région la plus riche d’Europe, n’a cessé de renforcer toutes ses inégalités territoriales. En 2013, 19 communes sur les 1274 que compte l’Ile-de-France, concentraient 50 % de l’emploi régional, notamment autour de la Défense (Courbevoie, Puteaux, Nanterre, Neuilly, Rueil-Malmaison). 

En janvier 2021, l’Institut Paris Région a publié une note expliquant que 68 % étaient concentrés sur 6 % du territoire, avec des conséquences majeurs sur le quotidien des millions d’habitant.es.

Le Vice-Président à l’Aménagement en charge de la révision du SDRIF-E appelle à “une région beaucoup plus polycentrique en créant des plaques de centralité renforcées en dehors de Paris comme Saclay, le Grand Meaux, le Val d’Europe”. 

Mais nous pensons que la vision stratégique défendue là, qui reste tournée vers des objectifs d’attractivité, de rayonnement international, porte en son sein les mêmes écueils que les politiques d’aménagement des dernières décennies et qui ont conduit à renforcer les inégalités.

Les “villes dissociées” se caractérisent par des fonctions d’Habitat et de Travail qui n’interagissent plus : celles et ceux qui travaillent sur le territoire habitent ailleurs, celles et ceux qui habitent sur le territoire travaillent ailleurs. Un cercle vicieux se met alors en place, avec des trajets domicile-travail toujours plus longs, l’évasion des habitant.es qualifiés renforçant la déconnexion, localement, entre le marché de l’emploi et la main d’oeuvre (avec un chômage, malgré une augmentation du nombre d’emplois, qui croît parallèlement), de grands projets inutiles présentés comme solutions alors qu’ils confortent et renforcent les difficultés et détruisent un peu plus le cadre de vie et de l’environnement… 

Le cas de Gonesse est particulièrement significatif.

C’est sur le développement de réponses locales, en phase avec les besoins des habitant.es – transports du quotidien, de desserte et non de transit, réorientation de l’appareil de formations, consolidation des emplois locaux, préservation des espaces naturels, forestiers et agricoles, implantation de services publics de proximité, lieux de culture et de loisirs – que nous appelons les politiques d’aménagement à se concentrer, en renonçant à la “spécialisation” et aux fameux clusters, au marketing territorial, aux grands projets d’infrastructures visant l’attractivité ou l’internationalisation. 

La recherche de “polarités fortes” et de “territoires d’intérêt régional”, comme le soutien à « l’émergence de projets ambitieux dans chacun des départements et des territoires”, qui sont des orientations stratégiques du SDRIF-E, relèvent de ce modèle-là. 

Notre vision du “polycentrisme” ne se fonde pas sur la création de nouveaux “grands pôles urbains”, centrés sur la compétitivité, l’attractivité, l’internationalisation, mais bien sur une sobriété concrète, grâce à réponses adaptées aux besoins des habitant.es et équitablement réparties, en matière des transports du quotidien, d’emploi, de formation, d’accès à des services publics de qualité, à des commerces de proximité, de préservation des espaces de nature, agricoles et forestiers, etc.

Croissance incontrôlée, saturation des équipements et des infrastructures de transport, relégation des plus modestes à la périphérie avec l’augmentation du prix du foncier, perte d’identité des territoires avec une standardisation des constructions neuves, offre adaptée aux visiteurs touristiques, mais déconnectée des besoins locaux, auxquels il convient désormais d’ajouter, comme on a pu le constater ces dernières années, une plus grande vulnérabilité aux crises : le sujet de la métropolisation et de ses effets négatifs, désormais amplement documentés, ne peut être absent du débat sur le SDRIF-E.

Nous devons penser la “démétropolisation” et apporter de vraies solutions à la problématique du rééquilibrage des territoires, qui n’est certainement pas un mythe pour des millions d’habitant.es de notre région.

Féminisme Les territoires évoluant, se structurant et se construisant selon des schémas d’organisation sociale, des pratiques et des usages par nature évolutifs, subjectifs et  politisés (liés au travail notamment), l’organisation de l’espace tend elle-même à “[reproduire] les normes dominantes, dont celles du genre”.

Dès la séance plénière du 4 février 2021, les élu.es écologistes de la région avaient proposé que le SDRIF révisé soit également “féministe”. Pris dans son acception large, un territoire “féministe” doit servir l’émancipation de toute.s les habitant.es. 

Dans ce cadre, il s’agit de faire de l’espace public non pas un espace où s’additionneraient, voire se confronteraient des besoins (avec le risque induit d’ancrer les stéréotypes), mais un espace universel, qui dans sa forme empêche concrètement les divisions de genre mais aussi toute autre division discriminatoire. 

« Améliorer la place des femmes dans la ville, c’est améliorer aussi la place des enfants et des personnes âgées, et plus généralement de toutes les personnes discriminées qui nécessitent du soin, de l’affection, de la sollicitude. » écrit par exemple Yves Raibaud. 

Pour Lucie Biarotte, doctorante au Lab’Urba de Paris-Est, il s’agit d’aller vers une mutation complète de la manière de penser l’espace public, qui va au-delà d’une  réponse aux usages, réels, supposés, présents, ou futurs. « Un urbaniste féministe se définirait donc moins par la nature de sa production spatiale en elle-même que par les intentions qui le gouvernent », écrit-elle.

Concrètement, envisager l’aménagement du territoire sous un prisme féministe, ou universel, doit se traduire par la prise en compte systématique de toutes et tous à travers des critères objectifs, dont la vocation serait d’assurer, par exemple :

  • une juste représentation de toutes et tous dans l’espace public (noms des rues et bâtiments, panneaux de signalisation, affichage) ; 
  • un usage universel de l’espace public (élargissement des trottoirs, la multiplication d’espaces communs et de lieux coopératifs, des espaces publics plus ouverts, moins segmentés, moins excentrés) ;
  • des déplacements plus égalitaires (amélioration des réseaux  et du maillage des transports de proximité et des mobilités alternatives…) ; 
  • une amélioration de l’accès au logement (en réfléchissant à des formes d’habitat alternatives, type babayaga), aux services publics, aux lieux de soins, d’accès aux droits, aux lieux de formation…

Nous, élu.es écologistes, pensons que la Région Ile-de-France doit être locomotive, impulser cette logique d’un aménagement “féministe”, d’un aménagement universel, et appuyer les collectivités dans la mise en oeuvre d’actions et de projets au service de toutes et tous.

L’Écologie, C’est évidemment par elle que nous allons conclure cette contribution.

Les 17 et 18 septembre 2020, la Région organisait une “COP régionale”, qui a donné lieu à 192 propositions. La proposition n°66 était de « lancer la concertation pour l’élaboration d’un Schéma directeur régional environnemental intégrant les ambitions climatiques et environnementales ». Dans sa déclaration à l’occasion des 

Assises de la Biodiversité, la présidente de Région a repris cette proposition et affirmé qu’elle souhaitait la révision du SDRIF “pour en faire un schéma directeur environnemental et lui donner un nouveau souffle”.

C’est donc assorti d’un “E” pour environnemental que le Schéma directeur de la région Ile-de-France est actuellement révisé. 

Nous aurions préféré un “E” comme “écologique”. Car si “environnemental” fait référence au cadre de vie et reste donc ethnocentré, l’écologie prend en compte les interactions entre écosystèmes et êtres vivants, et par conséquent, l’impact de l’activité humaine sur la nature et la biodiversité.

Alors que l’INSEE énonce qu’à l’horizon 2050, la région Ile-de-France sera la plus jeune région de France métropolitaine, quel avenir sommes-nous capables de proposer aux générations à venir ? Pour le Pôle Ecologiste, cela passe nécessairement par un projet d’aménagement Sobre, Démocratique, Résilient, Inclusif, Féministe et Ecologique.

Télécharger ici notre contribution.

Date de publication : 30 septembre 2022