Contribution du Pôle Écologiste à l’enquête publique sur l’autorisation environnementale unique pour le projet de création de liaison routière entre la RD30 et la RD190

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Dans le dernier volet du rapport du GIEC publié en mars 2022, les expert·es de l’ONU laissent trois années aux pouvoirs publics pour agir afin d’atteindre le pic de production de gaz à effet de serre (GES) en 2025 et d’entamer ensuite le début de sa décrue. L’Etat, dans sa Trajectoire Nationale Bas Carbone, fixe l’objectif d’atteindre la neutralité carbone au plus tard en 2050, condition sine qua non du maintien d’une planète vivable. Dans ce contexte, les élu·es du Pôle Écologiste de la région Ile-de-France appréhendent avec beaucoup de réserves les projets de création de voiries.

Une voirie à rebours des enjeux climatiques et économiques

Le projet de création de liaison routière entre la RD30 et la RD190, dont la Déclaration d’Utilité Publique est antérieure aux Accords de Paris de 2015 (Cop21) qui fixent comme objectif une limitation du réchauffement mondial entre 1,5 et 2°, entre en contradiction avec la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour rappel, le secteur des transports dans son ensemble représente aujourd’hui le tiers des émissions de la France (en hausse de 9% depuis 1990), dont 94% sont directement imputables au transport routier. Il y a, par conséquent, priorité à développer d’autres solutions d’optimisation de flux tant en matière de transport de marchandises (alternatives au transport routier et amélioration des performances des chaînes logistiques en zone urbaine) qu’en matière de mobilité de personnes (modes actifs, co-voiturage et développement du transport collectif). 

D’autre part, élargir une voirie pour absorber du trafic de transit dans une boucle totalement enclavée de la vallée de Seine, dont les entrées et sorties se font par des ponts, est une prise de risque de congestion routière totalement inconsidérée, particulièrement lorsque les études prospectives sont datées et intègrent des éléments obsolètes telle que la création de l’A104 renvoyée aux calendes grecques. A aucun moment, la région Ile-de-France, comme financeur, n’a demandé la réactualisation des données ni ne s’est penché sur les impacts et externalités. Or, toutes les études démontrent que créer un nouvel axe routier engendre une augmentation de trafic. Et, par conséquent, dans un territoire totalement enclavé entre la Seine au sud et le Massif forestier de l’Hautil, soumis à un PPR-MT et à la présence de carrières souterraines d’extraction de Gypse au Nord, en présence de nombreuses entreprises ICPE dont un incinérateur, un méthaniseur, et une usine SEVESO de traitement des eaux, il semble indispensable que de nouvelles études soient entreprises et que l’on y intègre a minima un plan de gestion des risques.

L’argument de l’accroissement de la compétitivité économique qui serait induit par la construction de nouveaux axes routiers est aujourd’hui totalement dépassé.  Et dans ce cas précis, nous estimons que les entreprises locales ne bénéficieront aucunement de cet axe de transit. 

Enfin, et ce n’est malheureusement pas anecdotique, il est à souligner que la portion élargie du projet sur la RD190 menant au nouveau Pont de Triel intègre d’ores et déjà, de part et d’autre de la chaussée, une piste cyclable, une infrastructure vélocyclable assez exceptionnelle dans les Yvelines pour être soulignée. Résultat, alors que ce territoire manque cruellement de pistes cyclables, le département et la Région décident de démolir et refaire les seules existantes! Il y a pourtant bien d’autres nouveaux projets cyclables à développer sur ce territoire si celui-ci ambitionne d’être correctement connecté au RER V, en cours de réalisation. Que les promoteurs de la mobilité décarbonée sur le papier, que sont le département des Yvelines et la Région, investissent l’argent public là où il y a de réels besoins ! Ce projet construit sur un modèle de développement obsolète, s’avère être un projet inutile et dispendieux en total décalage avec l’urgence climatique. Il est encore temps de cesser cette gabegie. Il serait urgent et sans contexte plus responsable de demander des études complémentaires avant d’avaliser un tel projet.

 De l’obsolescence programmée des nouvelles routes 

Ce chantier de création d’une 2 X 2 voies sur 6,4 km, avec 3400 mètres de nouvelles voies et l’élargissement de 2600 mètres de voies existantes, implique 8 giratoires et un pont de franchissement de la Seine. Il va accroître substantiellement la quantité de véhicules dans la zone et générer de la congestion et accroissement des émissions de particules fines dans un périmètre déjà impactée par l’importance du trafic routier – le secteur est très fréquenté dans les déplacements des yvelinois·es – mais aussi par la présence de plusieurs usines classées ICPE connus pour leurs impacts sur la qualité de l’air. Les Missions Régionales d’Autorité Environnementale (MRAe) ont ainsi déjà alerté sur la mauvaise qualité de l’air sur l’ensemble du Territoire de Seine-Aval de la communauté urbaine de GPS&O. 

La pollution de l’air est la cause de 50 000 décès par an en France et le respect des seuils de l’OMS en Ile-de-France permettrait d’éviter près de 8 000 décès par an, c’est un enjeu majeur de santé publique. Il est donc urgent d’inverser la tendance et d’investir l’argent public dans des projets qui offrent à un maximum d’habitant·es des solutions alternatives au recours à la voiture individuelle thermique. Les écologistes défendent à ce titre le transfert des 80 à 100 millions investis chaque année par la région Ile-de-France dans les routes vers des projets de maillage fin des territoires en transport en commun. Ici, les habitant·es du territoire de GPSEO, rive droite de la Seine, n’ont pas besoin de nouvelles routes consommatrices de ressources de plus en plus rares, mais bien d’alternatives à la voiture, pour offrir une mobilité dense, de proximité, décarbonée et rapide. 

La protection de la biodiversité, des écosystèmes et des sols comme boussole politique

Ce projet du XXe siècle, vivement critiqué localement, va entraîner une accélération de l’artificialisation des sols dans la zone et être à l’origine de dommages environnementaux (faune et flore) majeurs, notamment hydriques avec la construction du pont. En outre, l’impact environnemental des travaux est significatif et la gestion des déblais, notamment les terres polluées, nous inquiète particulièrement. A l’heure où les pouvoirs publics prétendent faire la promotion du Zéro Artificialisation Nette (ZAN), l’économie des ressources et la lutte contre les émissions de GES, nous notons une fois encore le décalage entre les discours et les actes. Ici, dans ce projet, ce décalage prendra une tournure grotesque lorsqu’en 2028, un pont routier de 2X2 voies s’érigera au-dessus d’une île habitée par près de 200 personnes, où la circulation automobile a été interdite dès 1902 ! Impardonnable pour les générations futures.

Pour l’ensemble de ces raisons, les élu·es du groupe Pôle Écologiste à la région Ile-de-France expriment un avis défavorable à l’enquête publique sur l’autorisation environnementale unique pour le projet de création de liaison routière entre la RD30 et la RD190.

Date de publication : 20 janvier 2023

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