Contribution du Pôle Écologiste au Contrat de plan régional pour le développement de la Formation et de l’Orientation professionnelles (CPRDFOP) 2022-2027

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À l’issue de la dernière plénière du Comité Régional de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelles (CREFOP) du 15 décembre 2022, il a été proposé à ses membres de produire un commentaire écrit sur le projet de Contrat de plan régional pour le développement de la Formation et de l’Orientation professionnelles (CPRDFOP) 2022-2027. À la lecture de ce document, le Pôle Écologiste de la Région Ile-de-France soulève des manques patents, sur des points pourtant cruciaux pour la formation professionnelle, l’emploi et l’orientation à l’échelle régionale. 

Pour  ces raisons, explicitées ci-dessous, le Pôle Écologiste émet un avis négatif sur le CPRDFOP.

Préambule

En vertu du code du travail et de ses articles L 6123-3 et L. 5315-1l, les régions doivent élaborer le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP). Elles s’appuient pour cela sur le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP) réunissant le·a représentant·e de l’État en Ile-de-France, le·a représentant·es de la région, les autorités académiques, les organisations syndicales de salarié·es et les organisations professionnelles d’employeurs·ses. L’élaboration de ce document stratégique doit se faire dans un cadre concerté et impliquer étroitement les collectivités territoriales concernées, Pôle emploi, les organismes consulaires, des représentant·es de structures d’insertion par l’activité économique et des représentant·es d’organismes de formation professionnelle.

Malheureusement, il se trouve que la concertation n’a pas ici été à la hauteur et que le document présenté au CREFOP en juin 2022 a été produit dans le seul cadre restreint d’échanges entre l’État et la Région, ce qui a conduit les membres du CREFOP à solliciter un report pour rendre leur avis, accordé pour septembre 2022. 

Cependant, le CREFOP n’a pu se réunir qu’en décembre 2022 et c’est donc un nouveau projet, réalisé encore une fois sans concertation, qui lui a été soumis, donnant lieu à la proposition de production d’une contribution écrite, avec avis (le présent document donc).

Nous déplorons réellement tous ces freins constatés depuis des mois, empêchant une concertation réelle des acteurs de la formation professionnelle et la co-production  de ce CPRDFOP, conditions essentielles à son adéquation avec les besoins des Francilien·nes et à sa déclinaison sur le territoire par l’ensemble des acteurs concernés.  

Le fonctionnement du CREFOP en format quadripartite – État, Région, organisations syndicales des salarié·es et des employeurs·ses – permet de piloter et d’évaluer les politiques régionales de l’emploi et de la formation conduites dans les territoires. 

Le CREFOP assure également des missions de concertation et de consultation. Cette instance est un véritable lieu de débat et pas simplement d’animation entre les différents acteurs. Dans ce cadre, notre institution régionale doit pleinement s’en saisir et assurer les conditions de son bon fonctionnement.

CHAPITRE 1 : Adapter la carte des formations professionnelles initiales

Dans ce premier axe, on retrouve la même logique adéquationniste : adapter les formations pour répondre uniquement aux besoins des entreprises (et donc aux secteurs en tension) et non pas en fonction des souhaits des jeunes ou demandeurs·ses d’emplois. 

En effet, dans l’orientation 3 qui vise à “ouvrir les lycées sur le monde de l’entreprise”, il est dit vouloir “lever progressivement les blocages qui empêchent les entreprises d’entrer dans les établissements scolaires afin de faire découvrir leurs métiers et les carrières associées” et “développer les initiatives permettant aux élèves du secondaire de se familiariser avec le monde de l’entreprise et ses attentes”.  Cette orientation semble très limitative et réduire l’avenir professionnel des jeunes à la seule réponse aux besoins des entreprises, sans évoquer leur quelconque épanouissement professionnel et le projet pédagogique et éducatif qui l’accompagnerait.

Comme le souligne le CESER, dans son avis du 06 octobre 2022 n°2022-11, il y a certes une nécessité “de promouvoir la formation professionnelle dans les lycées en cohérence avec les filières de l’apprentissage”, mais aussi d’ouvrir les formations professionnelles initiales sur le monde professionnel à travers le projet éducatif des enseignant·es. Cela aurait vocation à renforcer “le tutorat et l’accompagnement des jeunes en alternance dans leur recherche de contrats, ainsi qu’à des actions d’incitation des entreprises pour proposer des stages”.

Pourtant, en tant que force motrice dans le développement de l’offre de formations, la Région Ile-de-France n’impulse pas de nouvelles orientations. Au contraire, elle se contente de chercher à correspondre aux besoins et demandes conjoncturels du marché de l’emploi (d’où l’accent mis sur l’emploi et non sur les métiers). Ainsi, il n’y a aucune orientation pour développer de nouvelles formations  – vers les métiers de la transition écologique, verts ou de demain notamment – ou pour réduire les inégalités territoriales en faisant des bassins d’emplois des espaces de coordination et de coopération des acteurs de la formation, de l’insertion et de l’emploi au service des besoins des habitant·es et non seulement au service des entreprises et d’objectifs de compétitivité. 

En supprimant ou en affaiblissant les structures d’insertion, comme les Espaces Dynamiques d’Insertion (EDI) ou les Missions Locales, cela fragilise le suivi des jeunes décrocheurs ou les plus éloignés de l’emploi et leur intégration dans un parcours d’insertion ou de formation. Ces dispositifs, qui ont prouvé leur efficacité, permettaient réellement d’insérer les jeunes dans un parcours professionnel. Aujourd’hui, vouloir ouvrir les EDI à un public adulte montre l’absence d’ambition et de vision de l’exécutif régional sur le secteur de l’emploi et de l’insertion professionnelle.

CHAPITRE 2 : Renforcer l’efficacité du Service Public Régional de l’Orientation

Depuis sa création en 2015, on constate que le Service Public Régional de l’Orientation (SPRO) n’oriente pas assez. Il avait pourtant un objectif clair : à travers ses membres (Pôle emploi, missions locales, réseau d’information jeunesse, Cités des métiers, etc.) “construire une identité et donner une visibilité forte au SPRO, avec notamment l’élaboration de ressources et d’outils communs et la création d’une signalétique propre ”. Cela se traduirait sur le territoire francilien par le développement d’au moins un lieu d’accueil tout public par département. 

Pourtant, pendant 7 ans, l’exécutif régional qui en assure l’animation et la déclinaison sur les territoires en lien avec Défi Métiers, l’a très peu conduit. C’est aussi ce qui ressort dans l’avis du CESER où il préconise d’ailleurs “le renforcement de l’accompagnement, de la coordination et de la formation des professionnels de l’orientation afin d’optimiser leur action d’information auprès des publics concernés”.

D’où la nécessité de renforcer l’action régionale dans le cadre du SPRO. Par exemple, la plateforme Oriane – recensement des formations allant du collège jusqu’à la recherche d’un emploi -, puis d’Oriane FormPro, a très vite montré ses limites (peu de ressources, problèmes techniques et informatiques, …). Portail qui devrait être, pour le CESER, davantage “accessible, territorialisé et performant”. Au vu des nombreuses subventions régionales engagées, nous regrettons que ces investissements n’aient pas justement corrigé les problèmes énoncés par le CESER.

Autre point qui nécessite un recadrage dans le cadre du SPRO : la création de l’Agence de l’orientation que l’exécutif régional avance comme une nouvelle entité qui viendrait “en renfort”. Pourtant, à la lecture des éléments avancés dans le CPRDFOP, on constate que cette agence aurait quasiment les mêmes missions que le SPRO
Elle [l’agence de l’orientation] proposera ainsi un guichet unique pour informer le public tout au long de la vie (jeunes, demandeurs d’emplois, salariés), animera les différents réseaux académiques et économiques et déploiera des solutions concrètes de placement au bénéfice de Franciliens de plus de 12 ans”. C’est concrètement l’une des missions déjà confiées au SPRO.

Cette agence de l’Orientation viendrait phagocyter le SPRO. On reste bien sur la logique de la Droite régionale de détricoter des politiques publiques régionales et de remplacer des structures préexistence par de nouvelles – avec les mêmes missions – pour “laisser leur marque”. Agence qui d’ailleurs aura pour mission de faire “le lien avec les entreprises pour bien intégrer leurs préoccupations de recrutement” (page 10). On reste bien sur la logique adéquationniste évoquée plus haut dans le chapitre 1.

Les contours et le périmètres d’actions de l’agence de l’orientation restent toujours abstraits alors qu’elle a été officiellement lancée le 1er janvier 2023. Nous pensons qu’il y a une réelle nécessité à créer un guichet unique de l’orientation, toutefois l’échelon de cette agence n’est pas adéquat puisqu’il n’a vocation qu’à répondre aux besoins des entreprises et non pas à celui des aspirations et des contraintes des Francilien·nes. Pour se faire, celui des cités des Métiers nous semble le plus approprié pour être des lieux d’accueil, d’information et d’orientation et favoriser leur développement dans l’ensemble des territoires franciliens. D’autant plus qu’ils ont déjà prouvé leur efficacité vers les publics ciblés.

CHAPITRE 3 : Mettre la formation continue au service de l’emploi et de son développement

À l’arrivée de la majorité régionale en 2015, Valérie Pécresse a mis fin aux financements de la formation continue notamment avec le Conservatoire national des arts et métiers CNAM en 2016). C’était certes une compétence extra-légale mais ce financement avait une réelle portée vers les Francilien·nes. Tout comme Fongecif (devenu aujourd’hui Transitions Pro Ile-de-France) qui accompagnait les salarié·es qui souhaitent se reconvertir ou construire un projet de reconversion professionnelle. 

La formation continue est primordiale pour le développement personnel et professionnel des salarié·es et pour entreprendre des évolutions de carrière car elle leur permet d’acquérir – tout au long de leur vie – des compétences transversales qui sont nécessaires pour leur emploi actuel ou à une future reconversion. La formation tout au long de la vie, la sécurisation des parcours d’emploi ou le recours à la validation des acquis d’expérience (VAE) doivent aussi être prises en compte, ce qui nous semblent un peu dérisoires tel qu’exposé ainsi dans ce CPRDFOP.

Comme nous le rappelons, dans le chapitre 1, ce CPRDFOP ne répond qu’aux exigences du marché du travail et au besoin de recruter davantage dans les métiers en tension ne laissant ainsi aucune manœuvre pour impulser de nouvelles formations.

C’est également l’avis du CESER où selon lui “le caractère uniquement « adéquationniste » et court-termiste des modalités de gestion des métiers en tension proposées dans le projet de contrat 2022-2027 ne permet pas de répondre à la réalité des besoins de gestion prévisionnelle des effectifs sur le territoire régional”.  Il préconise que “les évolutions de filières professionnelles soient pensées dans le moyen terme sur la base d’analyses solides, afin d’éviter les effets conjoncturels, et que ces évolutions soient adaptées aux nouveaux métiers de la transition énergétique, de l’environnement et du développement durable et soient attractives et porteuses de sens pour les jeunes.”

Après la période de crise sanitaire, qui perdure toujours, nous savons que les attentes des jeunes, des salarié·es ou des demandeur·ses d’emploi vis-à-vis de l’emploi ont évolué. D’autres facteurs sont donc aussi à prendre en considération : qualité de vie, épanouissement professionnel et personnel, rémunération, questions de mobilité,… L’impulsion de nouvelles formations, notamment celles issues des métiers de la transition écologique, de l’utilité sociale, ou des métiers émergeant d’avenir, pourraient véritablement susciter de nouvelles vocations, de nouvelles pratiques et agir de facto sur l’emploi.

La formation continue permettrait alors de répondre à la fois aux nouvelles attentes des Francilien·nes, mais aussi à la nécessité d’adapter les formations aux nouveaux métiers (comme ceux verts). Pourtant, rien dans ce CPRDFOP n’émane et il n’y aucune ambition pour impulser de nouvelles formations.

Dernier point, dans ce chapitre y est exposée l’idée de “Développer une culture et un outillage communs et partagés de la citoyenneté, des valeurs républicaines et de la laïcité dans le cadre des formations professionnelles continues”.
Par cette orientation, on pense derechef à “la Charte régionale des valeurs de la république et de la laïcité” élaborée par l’exécutif régional en 2016 et qui s’obstine à la faire signer par l’ensemble des associations qui demandent une subvention régionale. Charte d’ailleurs retoquée par le Tribunal Administratif qui a reconnu comme illégal l’article 4 sur l’obligation du “port de tenues vestimentaires imposé” et l’article 6 sur l’interdiction stricte de prosélytisme alors même que cette activité légale est protégée par la Cour européenne des droits de l’homme tant qu’elle n’exerce pas de pressions graves sur les personnes.

Nous ne sommes pas dupes et considérons que cette orientation participe une nouvelle fois aux attaques répétées de la droite régionale aux valeurs de la laïcité. Nous le répétons, ce qui prévaut c’est la loi de 1905, toute la loi, rien que la loi.

CHAPITRE 4 : Adapter l’offre des formations sanitaires et sociales pour répondre aux enjeux de demain et aux besoins des territoires

Dans le dernier axe du CPRDFOP, il est fait mention que “les actions concernant les formations sanitaires et sociales devront être alimentées par le Schéma régional des formations sanitaires et sociales (SRFSS). Le calendrier du schéma étant décalé par rapport à celui du CPRDFOP, les actions spécifiques issues du SRFSS seront intégrées au CPRDFOP à l’horizon de janvier 2023”.  Compte tenu des retards pris pour l’adoption de ce plan régional et même si le SRFSS viendra compléter ce volet, il semble important de compléter davantage l’offre des formations sanitaires et sociales.

Nous l’avons déjà rappelé plus haut, ce CPRDFOP ne vient compléter que les formations des métiers en tension, mais aussi qui répondent à l’attractivité de notre territoire : secteur du bâtiment et des travaux publics ; hôtellerie, restauration et tourisme ; sécurité ou encore industrie.

Pourtant, notre institution régionale doit mobiliser ses efforts et ses moyens sur les secteurs en tension qui non seulement relèvent de ses compétences, mais souffrent d’un sous-investissement chronique. C’est le cas des formations sanitaires et sociales, qui couvrent notamment les auxiliaires de puériculture et les aides à la personne, les éducateurs spécialisés, les assistant·es de service social, etc. Autant de métiers essentiels à la collectivité et à la cohésion sociale. Face à l’absence de nombreux·ses auxiliaires de puériculture, la rentrée 2022 a été très tendue et a complexifié les choses pour les acteurs du secteur alors qu’il y a un manque grandissant pour l’ensemble du territoire francilien.

C’est aussi ce que pointe le CESER, “les problématiques de recrutement, de formation initiale et continue constantes de ces secteurs professionnels, les besoins des établissements et de la population demeurant insuffisamment couverts sur le territoire francilien”.

Les conditions d’études et de vie des étudiant·es en FSS ont aussi un impact sur les difficultés de recrutement dans ces filières. En effet, toujours d’après le CESER “les conditions de vie étudiante des élèves des formations sanitaires et sociales, dont le récent statut spécifique à l’université ne favorise pas l’intégration dans la vie des établissements et l’accès aux aides (aides versées spécifiquement par la Région et non par les CROUS) et aux prestations (restauration, logement étudiant, bibliothèques universitaires, garages vélos…)”.

C’est pourquoi notre institution, au-delà d’inciter dans le recrutement de ces filières grâce à une prime de 1 000€, doit renforcer son soutien vers ces étudiant·es par des aides plus importantes et une meilleure articulation avec les différents acteurs (universités, bailleurs sociaux et les CROUS franciliens). Ces actions participeront aussi à réduire le taux d’abandon qui est assez conséquent dans ces formations, en particulier après les premiers stages.

En conclusion, nous regrettons un réel manque d’ambition de ce nouveau CPRDFOP qui ne prend en compte ni les enjeux actuels (inégalités territoriales, actions spécifiques en direction des publics les plus éloignés de l’emploi, des séniors) ni ceux futurs (rapport au travail, mobilités professionnelles, défis environnementaux, reconversion professionnelle, etc.).

L’insertion professionnelle des jeunes est également insuffisamment développée – cette mesure ne fait l’objet que d’une seule orientation qui au demeurant nous apparaît incomplète au vu des nombreuses difficultés qu’ils peuvent rencontrer – alors que Valérie Pécresse a annoncé faire de l’année 2023 l’année de la jeunesse.

La destruction des mesures d’insertion (comme les EDI), la liquidation de Défi Métiers, l’affaiblissement des missions locales et à présent ledit CPRDFOP nous laisse craindre d’une refonte du secteur de la formation et de l’insertion professionnelle par l’exécutif régional et de l’accélération de son désengagement dans l’une de ses compétences pourtant la plus décisive pour l’avenir des Francilien·nes.

Date de publication : 20 janvier 2023

Document annexe