Contribution du Pôle Écologiste au plan régional d’amélioration de la qualité de l’air

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Par un courrier du 17 octobre 2022, le Délégué spécial à la santé environnementale et à la lutte contre la pollution de l’air, Monsieur Olivier Blond, propose aux groupes politiques d’apporter leur contribution à la préparation du plan régional d’amélioration de la qualité de l’air.

La présente contribution s’inscrit donc dans le droit fil de tous nos précédents sur ce sujet majeur (amendements, interventions en séance, communiqués de presse, niche …) dont nous pouvons regretter qu’ils n’aient jamais été pris en compte jusqu’alors. Nous formulons donc à nouveau ici des propositions pour un plan régional d’amélioration de la qualité de l’air en Ile-de-France ambitieux, à la hauteur des enjeux et opérationnel.

La pollution de l’air, fléau francilien

Contribution du Pôle Écologiste dans le cadre de la préparation d’un plan régional d’amélioration de la qualité de l’air 

Introduction

L’Organisation Mondiale de la Santé définit ainsi la pollution de l’air : « […] contamination de l’environnement intérieur ou extérieur par un agent chimique, physique ou biologique qui modifie les caractéristiques naturelles de l’atmosphère ». Cette définition permet de réconcilier celles et ceux qui seraient tenté·es de confondre « pollution de l’air » et « dérèglement climatique ».

Le dérèglement climatique est une conséquence de la pollution de l’atmosphère par les gaz à effet de serre (GES) émis de manière inconsidérée par les activités humaines. Aussi, il convient de réunir les points de vue sur ces sujets, de prendre la mesure des défis et de les relever. Outre les gaz à effet de serre néfastes pour l’équilibre du climat planétaire, les pesticides, les particules radioactives, l’amiante, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les polluants organiques persistants, les dioxines qui bénéficient d’un cadre réglementaire particulier, les principaux polluants nocifs pour la santé humaine sont les particules fines, le monoxyde de carbone, l’ozone, le dioxyde d’azote, le dioxyde de soufre retenu dans le cadre réglementaire de la qualité de l’air. Tous ces polluants sont essentiellement issus de la combustion des énergies fossiles et notamment du pétrole (produits chimiques, carburants, etc.).

L’essentiel des difficultés dans la lutte contre la pollution atmosphérique réside dans le fait que c’est le mode de vie des sociétés de consommation, basé sur l’exploitation des ressources fossiles, qui est la principale source du problème.

La quasi-totalité de l’économie et de l’activité humaine repose sur l’exploitation et la transformation du pétrole. Laisser croire que la lutte contre les pollutions atmosphériques sera efficace en additionnant uniquement des mesures, sans remettre en question des choix industriels, énergétiques, économiques et en définitive des choix de société, c’est perdre la bataille avant de la commencer.

La qualité de l’air s’améliore depuis 20 ans en Ile-de-France mais de manière très disparate, sous l’effet de l’application de nouvelles normes à destination des industries et plus particulièrement la normalisation automobile au niveau de l’Union européenne. 

Les pouvoirs publics ont l’obligation de s’interroger sur leur capacité à faire respecter les normes mais aussi sur la responsabilité de leur prise de décision. Ainsi l’absence d’une réelle fiscalité environnementale au profit d’une fiscalité sur le travail constitue une erreur stratégique, écologique, économique et sanitaire.

Aussi, il convient pour tous les responsables politiques de faire preuve d’une grande responsabilité mais aussi d’humilité face à cet enjeu. C’est un travail de longue haleine qui doit être conduit avec la vocation de faire avancer l’intérêt général. Il est nécessaire de prendre des mesures concrètes et engageantes pour renforcer l’action publique menée depuis plus de 20 ans. Ceci, dans un contexte de croyance persistante en la « croissance économique » illimitée, quitte à mettre en péril l’équilibre fragile de l’écosystème qui garantit la vie sur la planète.

C’est pourquoi la question de la pollution de l’air est un enjeu de société qui doit aussi s’appuyer sur la citoyenneté des individus, leur formation, leur information pour sortir de la sphère des expert·es. Il ne s’agit pas d’opposer les moyens d’action mais bien de les mettre en synergie pour lancer un vaste projet, citoyen, ambitieux, qui dépasse les postures.

L’exécutif régional semble avoir abandonné la lutte contre la pollution de l’air

Les pics de pollution se multiplient sans cesse en Ile-de-France. La pollution atmosphérique est responsable, d’après le rapport de Réseau action climat et l’UNICEF publié le 14 octobre 2021, chaque année de plus de 48 000 décès et où 3 enfants sur 4 respirent un air toxique. La lutte contre la pollution de l’air est une responsabilité régionale. La région a une lourde charge et a le devoir d’agir pour la santé des Francilien·nes.

Des mesures qui se sont révélées efficaces ont été purement et simplement abandonnées par la Présidente de la Région  :

  • Le déclenchement de la gratuité des transports en commun pendant les premiers jours de pic de pollution ;
  • L’information et la formation à destination des Francilien·nes ont disparu des politiques régionales avec la suppression des dispositifs de d’éducation à l’environnement ; 
  • La création de zones à circulation restreinte, prévues par le décret du 2016-847 du 28 juin 2016, a été rejetée par la droite régionale lorsque les écologistes l’ont proposée en mars 2018.

La région Ile-de-France dispose pourtant de dispositifs sur lesquels elle devrait s’appuyer davantage pour lutter contre la pollution de l’air. 

AIRPARIF, un outil de mesure de la pollution mais aussi de prévention et d’information des Francilien·nes et des pouvoirs publics.

Bien que notre région finance cette association, nous regrettons que les moyens alloués ne soient pas à la hauteur des enjeux d’amélioration de la qualité de l’air. Au regard de la qualité des rapports, des données chiffrées et des informations transmises, il est nécessaire de renforcer le soutien régional à cet organisme. À l’aide des travaux d’AIRPARIF, notre institution peut avertir les Francilien·nes lorsque des pics de pollution apparaissent, sensibiliser et informer les Francilien·nes sur ces questions et prendre les décisions adéquates pour protéger la population.

Le Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE), élaboré conjointement par le Préfet de Région et le Conseil Régional, définit les orientations destinées à prévenir ou réduire la pollution atmosphérique afin d’atteindre les objectifs de qualité de l’air. Il se décline sous forme d’orientations thématiques propres à tous les secteurs concernés par la qualité de l’air (bâtiments, énergies renouvelables et de récupération, consommations électriques, transports, urbanisme et aménagement, activités économiques, agriculture, modes de consommation durables, adaptation au changement climatique).

Dans sa partie « qualité de l’air », il comportait 21 recommandations et 77 actions pour atteindre à horizon 2020 des objectifs chiffrés de baisse des polluants. À l’heure de sa révision, il est essentiel de tirer des enseignements du SRCAE et de définir de nouvelles orientations et recommandations.

Le Schéma Directeur de la Région Ile-de-France Environnemental (SDRIFE) constitue également un levier important pour mettre en œuvre des actions concrètes pour agir contre la pollution de l’air. Par sa révision et son caractère prescriptif, sur l’ensemble des documents d’urbanisme du territoire régional, le SDRIFE est un point d’appui essentiel pour la mise en œuvre de politiques publiques d’aménagement éco-responsables. Freiner l’étalement urbain et la construction de routes, sanctuariser les terres agricoles et les espaces verts, réduire la production de déchets et renoncer aux incinérations,… toutes ces mesures – si elles sont prises en considération dans le SDRIFE – pourraient véritablement diminuer fortement l’exposition des Francilien·nes aux particules fines, dioxines et toutes autres formes de polluants.

Le Plan de Déplacements Urbains d’Ile-de-France (PDUIF), adopté en juin 2014, représente la vision stratégique du développement des mobilités à l’échelle de notre région à l’horizon 2020. Outil de planification, il intègre les besoins de mobilités aux problématiques de développement régional, notamment de l’aménagement et de la préservation de notre environnement, dont la qualité de l’air est un aspect essentiel. Le lancement de sa révision doit permettre de limiter l’usage de la voiture individuelle, augmenter le recours aux transports en commun, l’usage de mobilités douces et améliorer le report modal. 

FOCUS : SECTEUR TRANSPORTSLe secteur des transports dans son ensemble représente aujourd’hui le tiers des émissions de la France (en hausse de 9% depuis 1990), dont 94% sont directement imputables au transport routier. Il y a, par conséquent, priorité à développer d’autres solutions d’optimisation de flux tant en matière de transport de marchandises (alternatives au transport routier et amélioration des performances des chaînes logistiques en zone urbaine) qu’en matière de mobilité de personnes (modes actifs, co-voiturage et développement du transport collectif).La pollution de l’air est la cause chaque année de 1 décès sur 10 en Ile-de-France, 7 millions dans le monde et elle génère des allergies respiratoires pour 30% de la population. Pourtant, le respect des seuils d’émission de GES et de particules fines de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) permettrait d’éviter 7 900 décès par an en Ile-de-France par an.

La SEM Ile-de-France Energie a été créée pour répondre spécifiquement au financement des travaux de rénovation dans les copropriétés. La mise en place du dispositif de tiers financement a pris de longues années, mais il est aujourd’hui opérationnel et commence sa montée en puissance. C’est à ce moment-là que l’exécutif régional décide de le remettre en cause et d’abandonner toutes actions vers les copropriétés alors qu’il y a urgence à agir. En 2016, l’exécutif régional a déjà supprimé les aides aux ménages modestes, puis un an plus tard les aides aux copropriétés pour les travaux de rénovation énergétique, les audits et les études de conception et en 2021, refusé le programme d’information et de sensibilisation. Le secteur du bâtiment est pourtant le troisième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) en 2019 en France (18 % des émissions nationales). La liquidation de cette structure met à mal toutes les actions engagées pour la rénovation thermique des copropriétés – alors que l’Observatoire National de la Précarité Énergétique (ONPE) pointait en 2020 que 1,5 million de Français sont touchés par la précarité énergétique au sein des copropriétés – et va accroître les polluants en provenance des logements.

Les enjeux franciliens à prendre en compte dans l’élaboration du plan régional d’amélioration de la qualité de l’air

La mauvaise qualité de l’air en Île-de-France, où les zones concentrant de hauts niveaux de pollution permanente sont nombreuses et où les pics de pollution se multiplient, constitue un risque sanitaire majeur pour l’ensemble des habitant·es. Les institutions risquent de voir se multiplier les mises en cause de leur inaction devant les tribunaux. En effet, les recours juridiques constituent aujourd’hui un mode d’action de choix pour les défenseurs·es de l’environnement que les pouvoirs publics n’ont pas su écouter à temps.

Au-delà de mesures cosmétiques basées sur l’expérimentation de solutions techniques traitant les symptômes sans s’attaquer aux racines du problème, il convient de prendre en compte les points suivants : 

  • La présence d’amiante dans de nombreux lycées franciliens ;
  • La dissémination de particules radioactives ;
  • Les perturbateurs endocriniens et autres pollutions de l’air intérieur diffusés par les produits d’entretien et les matériaux d’aménagement dans les bâtiments dépendant de la Région ;
  • Les nombreuses pollutions au plomb sur des anciens sites industriels ou de stockage de déchets, mais aussi encore dans des logements vétustes ;
  • La pollution issue des moteurs diesel, y compris les plus performants, y compris les deux-roues ;
  • Les activités industrielles émettrices de polluants et des gaz à effet de serre telles que l’incinération de déchets ou le transport aérien ;
  • L’épandage de produits toxiques dans les exploitations agricoles mais aussi dans l’entretien des voiries et voies ferrées ;
  • Les particules dans les lieux clos, comme le métro ;
  • Les inégalités territoriales face à la pollution où certains départements franciliens sont plus touchés que d’autres (par exemple : le Val-de-Marne, le centre de Paris, certains secteurs de la Seine-Saint-Denis).

Les pistes d’actions

C’est pour toutes ces raisons, que les élu·es du Pôle Écologiste voient plusieurs pistes d’actions pour le futur plan régional d’amélioration de la qualité de l’air : 

  • Le déclenchement de mesures de restriction de circulation dès le premier jour de pic de pollution et de la gratuité des transports en commun pendant ces périodes de crise ;
  • L’information et la formation à destination des Francilien·nes et en particulier des jeunes via des dispositifs d’éducation à l’environnement ;
  • La création et le renforcement de ZFE ;
  • La gestion des déchets en s’appuyant sur une politique véritable de recyclage, de réutilisation et des objectifs de décroissance de l’incinération ;
  • L’élaboration d’un plan régional sur la santé environnementale (PRSE) ambitieux;
  • L’application effective de la charte contre les perturbateurs endocriniens ; 
  • La limitation de l’épandage de produits toxiques dans les exploitations agricoles mais aussi dans l’entretien des voiries et voies ferrées
  • La réduction de l’usage des moteurs Diesel ;
  • L’investissement dans des filtres de l’air dans les souterrains des métros et des RER pour améliorer la qualité de l’air intérieur ;
  • La création d’une conférence citoyenne de l’air afin de mettre les citoyen·nes au cœur de la lutte contre la pollution de l’air en les  incluant dans un processus de décision.

En conclusion, et à travers cette contribution non-exhaustive, les élu·es du Pôle Écologiste ont souhaité mettre en lumière des actions concrètes que l’exécutif régional a abandonné alors qu’elles participaient justement à la lutte contre la pollution de l’air et qu’il dispose d’ores et déjà de dispositifs qui, avec plus de moyens et de respect d’application, peuvent limiter l’émission de polluants.

De nombreux enjeux sont à intégrer dans l’élaboration du plan régional d’amélioration de la qualité de l’air et à travers l’ensemble de ses compétences, l’exécutif régional peut et doit influer sur sa trajectoire. En tant que cheffe de file, il est de la responsabilité  de la Région d’élaborer et soutenir la mise en œuvre d’un plan d’action contre la pollution de l’air pour la santé des Francilien·nes ambitieux.

Date de publication : 31 janvier 2023

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