Contribution du Pôle Écologiste sur le Plan Régional Santé-Environnement 4

A

Préambule

Par un courrier du 14 octobre 2022, reçu le 21 octobre 2022, le Délégué spécial à la santé environnementale et à la lutte contre la pollution de l’air, Monsieur Olivier Blond, propose de participer à l’élaboration du PRSE 4 “en faisant parvenir [notre] contribution sur les enjeux prioritaires et vos propositions d’actions concrètes”.

Nous regrettons l’absence de bilan pour le PSRE 3, pourtant essentiel pour évaluer les résultats de celui-ci et permettre la détermination de priorités claires et adaptées aux spécificités de notre région, de ses territoires, de ses habitant.es et favorisant l’accès de toutes et tous à des soins adaptés.

L’absence d’éléments concrets, conjuguée à des délais très courts, rend ce travail contributif complexe. Nous développerons ici les grands enjeux qui nous apparaissent prioritaires, et les grands principes qui doivent selon nous appuyer les politiques de santé dans notre région, à l’aune de la crise environnementale et sociale.

PARTIE 1 : Une ambition forte en 2019, peu d’évolutions depuis et aucun bilan : la région se souvient-elle de son engagement dans la charte des villes et territoires sans perturbateurs endocriniens ?

En 2019, l’Ile-de-France a été la première région à signer la charte du Réseau Environnement Santé (RES) et se présente depuis comme la « première Région en France à s’engager dans la lutte contre ces substances aux effets néfastes ».

À l’époque, le groupe écologiste saluait ce « premier pas » qui nécessitait une transformation profonde des habitudes, pratiques et achats de la collectivité et appelait de ses vœux la constitution d’indicateurs pour mesurer les évolutions. L’absence de bilan présenté en amont de la révision de ce plan ne permet pas de voir l’avancée de la région, dans ses actions, dans la tenue de ses objectifs de prohibition des perturbateurs endocriniens . 

Malheureusement, beaucoup d’exemples de politiques régionales inquiètent les écologistes et ne vont pas dans le sens d’un paradigme nouveau, conforme à la charte.

En premier lieu, la mise en place concrète d’un Système de Management-Environnementale (SME) doit être une priorité de la région, particulièrement dans la gestion des lycées et du siège. Ainsi, les produits d’entretien

doivent-ils exclure les substances chimiques qui contiennent des perturbateurs endocriniens, la réhabilitation du mobilier et du bâti doit-elle passer par des matériaux ad hoc (peinture biologique, alternative au PVC et à la colle) et le plastique pour le réchauffement des repas dans les services de restauration collective doit-il disparaître et être remplacé par des contenants inertes. L’augmentation de la part des produits issus de l’agriculture biologique dans les cantines ne peut pas, à elle-seule, suffire.

La région doit également impulser la transition agricole des exploitations franciliennes pour accroître leur résilience et enfin supprimer les pesticides de nos territoires. Cela passe notamment par un soutien bien plus massif de l’installation/conversion en bio.

En outre, les incinérateurs de déchets ménagers produisent une pollution extrêmement nocive pour les personnes qui habitent dans un périmètre assez large autour de ces infrastructures. L’exemple d’Ivry démontre le décalage entre les engagements pris et les politiques menées. L’incinérateur, déjà très décrié par les populations, est en cours d’agrandissement pour augmenter la quantité de déchets traitée et donc in fine générer une pollution encore plus importante. À l’heure de l’urgence climatique et des problèmes de santé accrus dans la population, une telle décision est en totale opposition avec les besoins. 

Enfin, le secteur des politiques sportives doit lui aussi engager sa transition, de manière urgente, pour protéger la santé des utilisateur·ices d’infrastructures et d’équipements. Le caractère toxique de l’élastomère, composant de base des terrains synthétiques, est indiscutable. Dans ce contexte, la région doit anticiper l’évolution de la réglementation européenne et investir massivement dans les alternatives existantes (liège, noyaux d’olives concassées ou fibres de coco). 

Le constat est le même sur le chlore, la région doit participer très largement au financement des solutions alternatives de traitement des eaux des piscines. Concernant les infrastructures sportives en contrebas du périphérique et des voies routières très fréquentées, les aménagements doivent être revus pour réellement protéger les utilisateur·ices de la concentration particulièrement importante de pollution de l’air (particules fines et ultra fines).

Les perturbateurs endocriniens doivent donc appeler à une régulation stricte afin de répondre à l’urgence à laquelle nous faisons face. C’est pourquoi le combat de la protection de la biodiversité a une place centrale dans la problématique de la santé environnementale. 

Avec une centaine de perturbateurs endocriniens présents en permanence dans l’environnement, il convient d’être particulièrement vigilant.es à leur effet cumulatif – 

ou effet cocktail -, les perturbateurs endocriniens pouvant potentiellement devenir encore  plus nocifs lorsqu’ils sont mélangés.

Cet effet cocktail reste un angle mort des politiques de santé publique.  Certaines substances chimiques à priori peu dangereuses « s’avèrent beaucoup plus néfastes dès lors qu’elles interagissent. C’est l’effet cocktail. Or, les seuils de toxicité aujourd’hui ne prennent pas en compte ces innombrables interactions potentielles ».

C’est ce qu’explicite une récente enquête de l’institut France Stratégie, intitulée « Inégalités environnementales et sociales se superposent-elles ? », et qui a mis en lumière les liens étroits entre précarité et expositions multiples à des substances chimiques.

PARTIE 2 : Qualité de l’air, nuisances sonores, pollution lumineuse, risques industriels : protégeons les Francilien·nes et la biodiversité !

En Ile-de-France, la pollution de l’air est responsable de 7 900 décès prématurés. C’est le constat très alarmant que dresse l’étude d’AirParif et de l’Observatoire régional de santé (ORS), publiée le 10 février 2022. La Région Ile-de-France doit amplifier son action pour réduire drastiquement notre exposition aux particules fines provenant principalement du chauffage urbain, du trafic routier (véhicules diesel), de l’épandage agricole ou de l’industrie.

Lors des différents épisodes, parfois successifs, de confinement liés au COVID-19, nous avons pu constater que l’usage réduit de la voiture a permis d’améliorer la qualité de l’air. D’après Airparif “500 000 Franciliens en plus ont pu ne plus être exposés à des seuils qui dépassent les recommandations annuelles de l’OMS en PM10.” Il est donc primordial de revoir la place accordée aux véhicules dans notre région et de renforcer l’application des Zones à Faibles Émissions (ZFE). Les transports en commun jouent également un rôle important en tant que substitut aux voitures individuelles. Leur bon fonctionnement est indispensable. 

En plus de la pollution de l’air, les Francilien·nes sont également exposé·es à des niveaux de bruit très importants. Comptant trois aéroports principaux (Roissy, Orly et Le Bourget) – voire quatre puisque celui de Beauvais se situe à seulement 80 km de Paris – et de nombreux logements qui mériteraient une rénovation non seulement thermique, mais aussi phonique, le bruit a un impact négatif important et avéré sur la santé des Francilien·nes et de la biodiversité. Les effets sont nombreux : on constate des pertes de repères et des cycles physiologiques perturbés (sommeil, reproduction, préparation aux variations de saisons, etc.) pour les espèces animales ; ou encore l’altération du système hormonal et la sécrétion de mélatonine qui affectent ensuite la 

qualité du sommeil, de la libido, du vieillissement et participe au développement de tumeurs pour les humains.

À cela s’ajoute l’impact de la pollution lumineuse : lumière artificielle des villes, éclairages excessifs, etc. Le besoin d’obscurité est vital pour une grande partie du vivant. Pour les écologues, afin de préserver les espèces animales et végétales, essentielles à la qualité de notre écosystème, il est urgent de revoir notre consommation énergétique et d’aller vers la sobriété des éclairages (extinction des lumières, réduction de l’usage des LED, etc.). 

Quant à l’humain, il est désormais avéré qu’une lumière excessive a un impact important sur le rythme circadien et le sommeil et qu’indirectement, mais non moins concrètement, des problèmes de santé majeurs peuvent en découler (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, dépression…).

La collectivité dispose des moyens, des compétences et des outils pour agir contre ces trois formes de pollutions. Nous l’appelons donc à amplifier son action et ses politiques publiques pour limiter leurs conséquences destructrices.

Nous sommes également inquiet·es des nombreux risques industriels qui pèsent sur notre région. L’Ile-de-France accueille 94 sites Seveso. Ces dernières années, de multiples incidents (fuites, incendies) ont émaillé les activités du Syndicat interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP). En juillet 2019 à Achères, en avril 2022 à Colombes, puis à nouveau à Achères en octobre 2022 avec une fuite de biogaz. 

Il devient urgent d’assurer la sûreté de tous les sites classés SEVESO et de ceux à risques et d’en protéger les habitant·es. La transparence sur la réalité des risques industriels ainsi qu’un vrai plan de protection des populations et de l’environnement sont une absolue nécessité que les élu·es écologistes à la Région Ile-de-France réclament depuis longtemps.  Ils doivent s’accompagner de la mise en place d’une gouvernance efficace et totalement représentative des territoires qui doit répondre aux besoins réels des habitants. 

PARTIE 3 : Aménagement, logement, santé

80 % de l’état de santé des habitant·es dépendent de facteurs et déterminants économiques, sociaux et environnementaux. La santé doit être au cœur des politiques d’aménagement et d’organisation des espaces.

Chaque projet doit être appréhendé, évalué et mesuré à l’aune de ses impacts concrets sur la santé des habitant.es et doit prendre en compte l’exposition à la pollution de l’air et au bruit, la présence d’îlots de chaleur, la qualité des sols, etc. 

Il est ainsi plus que nécessaire de repenser les ambitions en termes d’aménagement et la révision du SDRIFE doit marquer un changement de cap clair dans les choix politiques d’organisation des espaces. 

De grands projets comme la cité scolaire à Gonesse apparaissent hors des préoccupations de notre temps et en totale contradiction avec les enjeux climatiques et environnementaux. Dans un site frappé par deux Plans d’Exposition au Bruit (PEB), liés aux nuisances très élevées de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle au nord, et de celui du Bourget au sud, une volonté aussi marquée de pousser l’urbanisation pour une cité “d’excellence” est une aberration écologique, sociale et sanitaire.

D’autant plus que la majeure partie de la ville du futur est déjà construite. La région doit donc porter une attention particulière à l’état du bâti existant, dont la mauvaise qualité a un impact majeur sur les émissions de GES et des effets directs sur la santé des habitant·s, tels troubles respiratoires, saturnisme, problèmes de sommeil, troubles de la concentration, isolement social… Le lien entre l’habitat et la santé physique et mentale des Francilien·nes n’est plus à prouver. Il convient d’agir pour endiguer cette précarité.

Une politique volontariste de rénovation des logements et notamment des passoires thermiques et la lutte contre l’habitat insalubre doivent être des priorités des pouvoirs publics et à fortiori de la région qui dispose des moyens et de la capacité d’action nécessaires.

Concernant le secteur de la santé, nous observons des indicateurs de santé alarmants dans de trop nombreux territoires, et particulièrement les plus fragilisés qui accueillent souvent les habitant.es les plus modestes : prévalence maladies chroniques, absences de suivi, rupture de soins, morbidité infantile… 

La crise sanitaire que nous vivons depuis deux ans a aussi rappelé l’importance de l’échelon de proximité dans l’accès aux soins et le parcours de soins. 

Or notre système de santé n’a cessé d’être fragilisé et mis à mal par des politiques déconnectées des territoires et de leurs spécificités, faisant la part belle à un modèle économique concurrentiel et destructeur. Ce choix idéologique a entraîné des fermetures d’hôpitaux de proximité au profit de mastodontes et a contraint les structures de santé au respect d’objectifs budgétaires intenables. Ce modèle libéral 

appliqué à un bien public aussi précieux que la santé occasionne une baisse toujours plus grande de la qualité de service, de l’accueil et de la prise en charge des patient·s et une dégradation des conditions de travail des professionnel.les de santé (c’est cela, d’ailleurs, la première cause de pénurie des personnels).

La gestion des épidémies successives (comme celle, actuelle, de bronchiolite) a jeté une lumière crue sur cette réalité. Les inégalités de santé et d’accès aux soins, les déserts médicaux, la fragilité et la souffrance de notre écosystème de santé sont les éléments qui définissent maintenant notre modèle, autrefois reconnu. Sa refonte profonde est absolument nécessaire.

Cet état des lieux rend d’autant plus essentielle la prévention, dont le développement permettrait d’agir, en amont, sur les déterminants des maladies chroniques et d’en limiter les risques. Dans le monde, ce sont 60 % des décès et 45 % de la charge de morbidité qui relèvent de facteurs accessibles à la prévention. 

Diabète, obésité, problèmes respiratoires, troubles cardio-vasculaires ou ostéo-articulaires, problèmes bucco-dentaires et psychiques, sont autant de problématiques dont la gravité pourrait être limitée et contenue grâce à une prévention à la hauteur. 

Il apparaît comme une priorité de remettre l’humain au cœur d’un service qui se doit de revenir à la proximité des habitants. La région doit accompagner les projets de territoire et encourager une coopération des acteurs au service de parcours de prévention et de soins adaptés (hôpital, médecine de ville, CMS, associations, acteurs de la prévention, services sociaux, acteurs paramédicaux…).

Date de publication : 30 novembre 2022

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