Contribution du Pôle Écologiste de la Région Ile-de-France à la concertation préalable sur le projet de création d’un Établissement pénitentiaire sur la commune de Noiseau dans le Val-de-Marne

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Dans le cadre du “Programme 15 000” lancé par l’État en 2018, Noiseau, commune de 4607 habitant·es située à treize kilomètres de Nogent-sur-Marne, a été retenue pour accueillir un établissement pénitentiaire de 800 places. 

Les élu·es du Pôle Écologiste de la Région Ile-de-France souhaitent par la présente contribution exprimer leur avis et leurs observations sur ce projet, qui les interpelle à plusieurs égards.

Au plan démocratique

Les différentes concertations avec les habitant·es de la commune de Noiseau mettent en lumière un défaut manifeste d’information et de dialogue préalables suffisamment important. Élu·es comme habitant·es – qui ont marqué leur opposition ferme au projet – regrettent une décision verticale, prise dans l’opacité, imposée par les représentant·es de l’Etat sans prise en compte des intérêts locaux et dans le cadre d’un rapport de force déséquilibré. Ils déplorent que les pétitions et les marches qu’ils ont organisé pour manifester leur opposition au projet, n’aient pas suffi à le stopper. 

On parle là, pourtant, d’une structure bien spécifique, dont la construction et la présence auront des conséquences majeures, dans les décennies à venir, sur l’environnement et la vie de celles et ceux qui y vivent, détenu·es et agent·es pénitentiaires comme habitant·es. 

Au plan environnemental

Pour implanter un tel bâtiment, 15 hectares sont nécessaires. Des parcelles agricoles sont donc menacées. Outre la zone agricole, le site d’étude se trouve en zone naturelle.

En premier lieu, les alertes se multiplient (le 6ème rapport du GIEC, paru il y a seulement quelques jours, en est une nouvelle) pour nous exhorter collectivement à mettre en œuvre tous les leviers de protection de la nature et de la biodiversité et d’adaptation au changement climatique. Il y a urgence.

De plus, les terres menacées par ce projet sont des terres fertiles, appartenant à des agriculteurs, menacés d’expropriation. A l’heure où les questions d’autonomie et de souveraineté alimentaires sont au cœur de tous les débats (crise sanitaire depuis deux ans, guerre en Ukraine…), le grignotage de ces terres par des projets urbanistiques démesurés apparaît plus encore comme une aberration.

C’est à l’inverse à une politique de sanctuarisation des terres agricoles qu’il faut donc s’atteler. 

La référence faite au projet de SDRIF de 2013 par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice pour la concertation préalable ne nous semble plus d’actualité et le potentiel d’urbanisation invoqué lui servant de justification est dépassé et obsolète.

La région Ile-de-France a pris 192 engagements à l’issue de sa COP en 2020. Parmi eux, l’objectif de zéro artificialisation nette, ambition climatique et environnementale majeure qu’elle affirme mettre au cœur du projet de révision du Schéma directeur, désormais agrémenté de l’épithète “environnemental”. Un autre de ses objectifs affichés est, en 2025, d’avoir divisé par 2 le rythme de consommation des espaces naturels et agricoles.

Ce projet apparaît ainsi clairement en contradiction avec de tels objectifs. A ce titre donc, l’implantation de ce bâtiment n’est pas entendable d’autant qu’il risque de couper un corridor écologique important entre la forêt Notre-Dame et la vallée de la Marne. La promesse d’une exemplarité en matière de développement durable ne saurait suffire, tant l’on sait que rien ne peut se substituer à la préservation de l’existant. 

La lutte contre la dégradation et l’artificialisation des sols est une absolue nécessité et une exigence que le Pôle Écologiste à la Région Ile-de-France porte avec la plus grande vigueur dans le cadre de l’élaboration en cours du nouveau Schéma directeur de la Région Ile-de-France.

La région Île-de-France a récemment pris position contre ce projet. Son vice-président Jean-Philippe Dugoin-Clément a ainsi déclaré par voie de presse :

« Quand on parle de transition écologique, aller artificialiser 20 ou 25 hectares de terres agricoles en exploitation, alors qu’il y a d’autres possibilités ailleurs, c’est un non-sens qui va à rebours de l’histoire ».

Nous partageons ce constat et nous attendons d’elle qu’elle l’exprime sur tous les projets climaticides et d’artificialisation de terres fertiles et agricoles comme celles de Saclay et de Gonesse. Cette exigence majeure au regard des enjeux climatiques, environnementaux et d’autonomie alimentaire ne saurait être à géométrie variable. 

Au plan humain

La prison va occasionner plus de circulation. Or, Noiseau souffre déjà d’un passage trop important de voitures, sur l’axe qui la traverse et dans ses alentours, connus pour être bondés aux heures de pointe. Les transports en commun, essentiellement des bus, ne desservent pas l’établissement pour le moment et même s’il y en avait plus, comme promis par les opérateurs du projet, de l’avis des élu·es,- ils seront également pris dans l’important trafic routier, amplifié dans le futur par des projets immobilier qui en généreront plus. Aucune solution pour l’amélioration de ce gros point noir, connu dans tout le territoire, ne peut être apportée sans qu’elle nuise fortement aux habitant.es de Noiseau. L’opposition des habitant.es malgré les promesses d’arrivée d’emplois est le signe que le prix à payer pour un changement profond, insatisfaisant, est trop lourd et loin d’être satisfaisant. 

Les arguments et éléments de langage des représentant·es de l’État et de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice sur les impératifs de sécurisation et d’amélioration des conditions de vie des détenus et des personnels sont insatisfaisants et se heurtent à la réalité induite, si ce projet voyait le jour, par l’éloignement des détenu·es de la ville, de sa vie et de ses bruissements, des services publics, des infrastructures de transports, etc.

De manière plus générale, notre famille politique s’interroge et travaille à mettre dans le débat public la question de l’enfermement et de l’incarcération, de leurs conséquences sur celles et ceux qui y sont directement confronté·es comme sur la société dans son ensemble. Nous nous opposons à la politique du “tout-carcéral” et pensons qu’il est nécessaire de construire et mettre en oeuvre des alternatives à la prison, celle-ci ayant montré ses limites et ses écueils.

Date de publication : 17 février 2023

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