Abaissement de la vitesse sur l’autoroute A4 entre Saint-Maurice et Charenton-le-Pont

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Contribution du Pôle Écologiste de la Région Île-de-France à la consultation publique sur l’expérimentation d’un abaissement de la vitesse maximale autorisée sur l’autoroute A4 entre Saint-Maurice et Charenton-le-Pont

Les pollutions atmosphérique et sonore, enjeux de santé publique majeurs en Île-de-France

La pollution atmosphérique est responsable, d’après le rapport de Réseau action climat et l’UNICEF publié le 14 octobre 2021, de plus de 48 000 décès chaque année et du fait que 3 enfants sur 4 respirent un air toxique. La mauvaise qualité de l’air en Île-de-France, où les zones concentrant de hauts niveaux de pollution permanente sont nombreuses et où les pics de pollution se multiplient, constitue un risque sanitaire majeur pour l’ensemble des habitant·es.

De plus, dans son étude de novembre 2021, “Le coût social du bruit en Île-de-France”, BruitParif a révélé que les transports sont la première cause de nuisance sonore en Île-de-France (62%). Selon une autre étude de BruitParif de 2019, 61 000 années de vie en bonne santé sont perdues tous les ans en Île-de-France à cause des nuisances sonores des transports. Rapporté à l’ensemble de la vie d’un·e francilien·ne, cela s’élèverait entre 10,7 mois et 3 ans de vie en bonne santé de perdus.

Perturbations du sommeil, risques cardiovasculaires, stress, obésité, déficit auditif… les risques sur la santé sont nombreux et connus. Le bruit agit également sur nos capacités cognitives (apprentissage, concentration, pertes de productivité, etc.). Récemment, il a été démontré que le bruit entre en jeu dans certains mécanismes épigénétiques fortement influencés par notre environnement, potentiellement réversibles, mais transmis d’une génération à l’autre de façon héréditaire telle que cancer, diabètes, maladies auto-immunes, troubles mentaux, etc. Le bruit opère aussi une dérégulation du rythme circadien, le cycle de 24h à la base de nombreuses fonctions vitales de l’organisme.

De même que le bruit a de lourdes conséquences et des effets dévastateurs sur notre biodiversité, car les espèces se servent des sons pour communiquer entre elles (pour attirer les partenaires, repousser les rivaux, avertir de la présence de prédateurs, repérer une proie, partager des informations…). Avec la hausse de la pollution sonore, liée à l’activité humaine, les écosystèmes sont bouleversés, les niveaux de vigilance et de stress des espèces sont accrus et les oiseaux notamment désertent les espaces urbanisés.

C’est dans ce contexte, et à travers cette contribution, que les élu·es du Pôle Écologiste formulent leur avis sur la décision du Préfet du Val-de-Marne portant mise en œuvre de l’expérimentation de l’abaissement de la vitesse maximale autorisée sur une section de l’A4 entre Saint-Maurice et Charenton-le-Pont.

Une forte exposition des habitant.es du secteur Charenton / Saint-Maurice 

Le préfet du Val-de-Marne souhaite que soit mis en œuvre un abaissement de la vitesse maximale autorisée de 90 km/h à 70 km/h sur une section expérimentale de quatre kilomètres de l’autoroute A4 dans les deux sens de circulation, au niveau des communes de Saint-Maurice et de Charenton-le-Pont.

Sur le tronçon étudié, près de 14 000 habitant·es des communes de Charenton, Saint-Maurice et Maisons-Alfort sont impacté·es par une exposition au bruit qui peut entraîner une gêne. Les habitations exposées sont situées le long de l’autoroute, sur les 4 km concernés par l’expérimentation. Les données de BruitParif montrent une exposition continue au bruit routier sur ce secteur pour une moyenne annuelle en 2023 d’environ 78 dB(A). 

Source : BruitParif – Données de variation mensuelle sur l’année 2023 d’exposition au bruit sur le site de mesure Charenton-le-Pont (94) – Autoroute A4 sens Province vers Paris (rumeur.bruitparif.fr)

Pour rappel, les niveaux d’apparition des effets extra-auditifs du bruit sont situés autours de 40-50 dB(A), c’est-à-dire que pour des niveaux d’exposition à des niveaux supérieurs à 40 dB(A) la nuit et à 50-55 dB(A) en journée, l’OMS considère que des effets extra-auditifs du bruit peuvent se manifester : troubles du sommeil, gêne, risques cardiovasculaires accrus, difficultés de concentration et retards dans les apprentissages. Dans le cas présent, les riverain·es sont exposé.es de manière permanente à des niveaux sonores largement supérieurs et sont donc potentiellement sujet·tes à ces troubles.

Par ailleurs, les chiffres de pollution atmosphérique d’AirParif pour l’année 2023 montrent une exposition des riverain·es en proximité du tronçon visé très en deçà des objectifs de qualité recommandés et pour certains points de mesure au-dessus de la valeur limite sanitaire en termes d’exposition aux particules PM10.

Source : Bilans et cartes annuels de pollution 2023 – AirParif

Une expérimentation à effets positifs

L’abaissement de la vitesse maximale autorisée permettrait de réduire le bruit de 2,2 db (A) la nuit, soit une diminution de 40 % des nuisances sonores. Cette expérimentation aura également un impact positif sur la qualité de l’air via la diminution des émissions d’oxydes d’azote et de particules fines sur l’ensemble du secteur, l’un des plus touchés, comme le confirment les études régulières menées par AirParif. De plus, alors que la vitesse est la première cause de mortalité routière en France (31 %), abaisser de 90 km/h à 70 km/h la vitesse maximale autorisée sur le tronçon concerné permettra de diminuer les risques d’accidents et leur gravité (une baisse de 1 % de la vitesse moyenne fait baisser de 4 % le taux d’accidents mortels).

De plus, avec une vitesse maximale autorisée fixée à 70 km/h, et au regard des vitesses pratiquées aujourd’hui, le temps de parcours pour les usager·es sera faiblement allongé : environ 33 secondes en heures creuses (+ 30 secondes sur les 4 km concernés en direction de Paris et + 37 secondes sur les 4 km en direction de la province).

Aller plus loin que les solutions techniques : réduire les déplacements automobiles

Le document d’information produit par la préfecture du Val-de-Marne insiste sur les autres solutions techniques qui ont déjà permis d’atténuer l’impact sonore de l’infrastructure autoroutière de l’A4 sur les territoires voisins, comme les revêtements de chaussée anti-bruit déployés par la préfecture en 2017. D’autres pistes d’améliorations pourraient permettre selon la préfecture de réduire davantage encore l’impact sonore, comme  le traitement acoustique des 3 premiers kilomètres de l’autoroute A4 en partenariat avec la ville de Charenton le-Pont et la Métropole du Grand Paris, avec la mise en place d’écrans acoustiques (sur la base du scénario retenu en juillet 2022) et la réalisation complémentaire de protections de façades pour les points noirs bruit non traités. Tous les dispositifs techniques permettant la meilleure protection des francilien·nes face à toutes les formes de pollution doivent être envisagés. 

Toutefois, le Pôle Écologiste rappelle que l’impératif est de réduire la circulation motorisée dans notre région. C’est pourquoi nous proposons un moratoire sur les routes et le rééquilibrage de la voirie au profit des transports en commun, du covoiturage, des vélos et des piétons. Seuls les projets dédiés aux modes actifs et à la sécurisation générale des voiries doivent être inscrits dans les grands schémas d’aménagement régionaux et nationaux. Nous souhaitons aller plus loin pour que toutes les autoroutes entrant dans le cœur de la région (comme l’A4 par exemple) soient transformées en boulevards urbains (vitesse maximum 50 km/h), à partir du franchissement de l’A86. Nous proposons également que les voies réservées aux bus et au covoiturage sur les routes et autoroutes soient toujours prises sur les voies existantes et non en ajout. 

Le Pôle Écologiste du Conseil régional d’Île-de-France donne donc un avis favorable à la décision du Préfet du Val-de-Marne portant mise en œuvre de l’expérimentation de l’abaissement de la vitesse maximale autorisée sur une section de l’A4 entre Saint-Maurice et Charenton-le-Pont, afin de préserver la santé des Francilien·nes et de la biodiversité, mais rappelle également l’impératif d’aller plus loin en termes de réduction des déplacements motorisés.

  1. LE COÛT SOCIAL DU BRUIT EN ÎLE-DE-FRANCE
  2. QUANTIFICATION DES IMPACTS DU BRUIT DES TRANSPORTS EN ÎLE-DE-FRANCE
  3. La vitesse et la conduite

Date de publication : 7 mai 2024

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