Contribution du Pôle Écologiste de la Région Île-de-France à l’enquête publique sur le projet de création d’un Établissement pénitentiaire sur la commune de Crisenoy en Seine-et-Marne
Dans le cadre du “Programme 15 000” lancé par l’État en 2018, Crisenoy, commune de 605 habitant·es seulement située à onze kilomètres de Melun, a été retenue pour accueillir un établissement pénitentiaire de 1000 places. La présente enquête publique sur la déclaration d’utilité publique du projet, la mise en compatibilité du PLU du Crisenoy, et le parcellaire, compte déjà plus de 80 contributions, preuve de la crainte de nombreuses et nombreux riverain.es quant à l’installation de ce nouveau centre pénitentiaire à proximité de leurs lieux de vie. Les élu·es du Pôle Écologiste de la Région Île-de-France souhaitent, de nouveau, par la présente contribution, exprimer leur avis et leurs observations sur ce projet, qui les interpelle à plusieurs égards.
Un projet mené au détriment de la démocratie locale.
Tout d’abord, du point de vue démocratique, le choix opéré par l’État de déclarer ce projet d’intérêt général (PIG) lui permet d’imposer une décision unilatérale d’aménagement sans que les différentes expressions consultatives comme la présente enquête publique n’aient d’impact réel sur sa décision. Les différentes concertations avec les habitant·es de la commune de Noiseau mettent en lumière un défaut manifeste d’information et de dialogue préalables suffisamment important. Élu·es comme habitant·es – qui ont marqué leur opposition ferme au projet – regrettent une décision verticale, prise dans l’opacité, imposée par les représentant·es de l’État, sans prise en compte des intérêts locaux et dans le cadre d’un rapport de force déséquilibré.
Nous déplorons que les pétitions, les expressions démocratiques des riverain.es et des élu.es qui ont ainsi manifesté leur opposition au projet à plusieurs reprises, n’aient pas suffi à le stopper et que l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) passe en force. On parle là, pourtant, d’un équipement très spécifique, dont la construction et la présence auront des conséquences majeures, dans les décennies à venir, sur l’environnement et la vie de celles et ceux qui y vivent, détenu·es et agent·es pénitentiaires comme habitant·es. L’emplacement visé pour ce centre de détention est à 500 mètres des premières maisons, à 700 mètres du village, la route d’accès, elle, passerait à moins de 300 mètres des habitations les plus proches.
De fait, tou.tes les élu.es locaux.ales sont farouchement opposé.es à cette procédure, car le PIG est une autorisation juridique permettant à l’État de s’affranchir de tous les documents d’urbanisme en vigueur sur le périmètre ciblé.
Un projet mené en incohérence par rapport à l’urgence environnementale et la gestion des risques.
Pour implanter un tel bâtiment, 20 hectares sont nécessaires. Pas moins de 10 parcelles agricoles sont donc menacées. Outre la zone agricole, le site d’étude se trouve en zone naturelle.
En premier lieu, les alertes se multiplient (le 6ème rapport du GIEC, paru il y a seulement quelques jours, en est une nouvelle) pour nous exhorter collectivement à mettre en œuvre tous les leviers de protection de la nature et de la biodiversité et d’adaptation au changement climatique. Il y a urgence.
De plus, les terres menacées par ce projet sont des terres fertiles. À l’heure où les questions d’autonomie et de souveraineté alimentaires sont au cœur de tous les débats (crise sanitaire depuis deux ans, guerre en Ukraine…), le grignotage de ces terres par des projets urbanistiques démesurés apparaît plus encore comme une aberration. C’est à l’inverse à une politique de sanctuarisation des terres agricoles qu’il faut donc s’atteler.
La référence faite au projet de SDRIF de 2013 par l’APIJ pour la concertation préalable ne nous semble plus d’actualité et le potentiel d’urbanisation invoqué lui servant de justification est dépassé et obsolète.
La région Île-de-France a pris 192 engagements à l’issue de sa COP en 2020. Parmi eux, l’objectif de zéro artificialisation nette, ambition climatique et environnementale majeure qu’elle affirme mettre au cœur du projet de révision du Schéma directeur, désormais agrémenté de l’épithète “environnemental”. Un autre de ses objectifs affichés est, en 2025, d’avoir divisé par 2 le rythme de consommation des espaces naturels et agricoles.
Ce projet apparaît ainsi clairement en contradiction avec de tels objectifs. À ce titre donc, l’implantation de ce bâtiment au milieu des champs n’est pas entendable et la promesse d’une exemplarité en matière de développement durable ne saurait suffire, tant l’on sait que rien ne peut se substituer à la préservation de l’existant.
La lutte contre la dégradation et l’artificialisation des sols est une absolue nécessité et une exigence que le Pôle Écologiste à la Région Île-de-France porte avec la plus grande vigueur dans le cadre de l’élaboration du nouveau Schéma directeur de la Région Île-de-France, la mise en révision de celui de 2013 ayant été actée par délibération du Conseil régional d’Île-de-France en novembre dernier.
Un projet aux conséquences sociales importantes.
Les arguments et éléments de langage des représentant·es de l’État et de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice sur les impératifs de sécurisation et d’amélioration des conditions de vie des détenus et des personnels sont insatisfaisants et se heurtent à la réalité induite, si ce projet voyait le jour, par l’éloignement des détenu·es de la ville, de sa vie et de ses bruissements, des services publics, des infrastructures de transports, etc.
Comment vont faire les familles pour rendre visite à leurs proches ? Comment imaginer qu’une immense prison au milieu des champs, avec une capacité d’accueil trois fois supérieure à l’actuelle prison de Melun, soit plus humaine ? Comment penser qu’en invisibilisant ainsi les détenus, en les excluant du monde et en les mettant un peu plus, symboliquement comme géographiquement, au ban de la société, on participe à leur réinsertion ?
De manière plus générale, notre famille politique s’interroge et travaille à mettre dans le débat public la question de l’enfermement et de l’incarcération, de leurs conséquences sur celles et ceux qui y sont directement confronté·es comme sur la société dans son ensemble. Nous nous opposons à la politique du “tout-carcéral” et pensons qu’il est nécessaire de construire et mettre en œuvre des alternatives à la prison, celle-ci ayant montré ses limites et ses écueils.
Pour toutes ces raisons, le Pôle Écologiste de la Région Île-de-France, dans le cadre de la concertation préalable en cours, exprime son opposition au projet de construction d’un établissement pénitentiaire sur la commune de Crisenoy en Seine-et-Marne.