29 Octobre 2025
Le projet Green Dock, porté par le promoteur Goodman et par Haropa Port (établissement public, gestionnaire des ports de Paris, Rouen et du Havre), est immense : 647 mètres de long, 60 mètres de large et 34 de haut. Prévu pour 2027, les travaux sont actuellement en cours bien que la population locale et associative continue à protester.
Il y a quelques mois, la Mission Régionale d’Autorité Environnementale d’Île-de-France a rendu un avis très critique à l’égard du projet, de sa mise en œuvre et des objectifs affichés. Nous, élu·es du Pôle Écologiste, nous sommes exprimé·es de nombreuses fois à l’encontre de ce projet qui aura un impact direct sur les communes à proximité : Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne, Epinay-sur-Seine, l’Île-Saint-Denis, Argenteuil et Saint-Gratien.
Green Dock est une immense plateforme de réception, stockage, préparation et distribution urbaine logistique de la taille de deux Stades de France. Des centaines de mètres carrés seront consacrés au stockage de marchandises, à un quai de déchargement pour du report modal. Tout cela a un coût très élevé : au moins 150 millions d’euros. Certes, aucune subvention publique n’est prévue, mais la réduction des redevances domaniales envers Haropa induit inévitablement une baisse de revenus pour cet établissement public.
Soutien aux contestations des riverain·es et des associations
Les oppositions sont nombreuses, à la fois au sein de la population mais aussi du milieu associatif. Ces dernières années, des pétitions, rassemblements et contestations ont émané des Soulèvements de la Terre, d’Extinction Rébellion, Stop Green Dock… Ce ne sont pas les seuls à critiquer le projet, certaines instances régionales le font également. C’est le cas de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAe) d’Île-de-France dont les arguments sont peu ou prou les mêmes que les nôtres.
La dimension colossale du projet est un des premiers arguments de celles et ceux qui critiquent le projet. Étendue sur 6,5 hectares, la plateforme abrite également un bâtiment de plus de 90 000 m2 sur plus de 12 étages. Le projet est titanesque !
Les riverain·es à proximité subiront la pollution, avant tout sonore. Pendant toute la durée du chantier (au moins deux ans), “la circulation des camions et des barges pour l’évacuation des terres est prévue”, cela, d’après le pétitionnaire, engendrera des nuisances pour les habitant·es mais aussi pour la biodiversité présente dans la zone Natura 2000. Une fois les travaux finis, le bruit ne s’arrêtera pas pour autant, il sera
alors occasionné par les allers-retours de camions, de voitures et de bâteaux de jour comme de nuit.
D’après les estimations de la MRAe, une fois en activité, la plateforme verra circuler plus de 1 000 véhicules légers, à peu près autant de véhicules utilitaires et plus de 400 poids-lourds. Les sources de pollution seront multiples : atmosphérique, lumineuse et sonore. Les habitant·es ne seront pas épargné·es, même entre 22h et 6h du matin.
Un désastre écologique et social
La construction d’une telle structure à proximité d’une zone Natura 2000 est une aberration écologique et pour la biodiversité. Cet espace est un couloir de migration pour les Grands Cormorans et un habitat naturel pour le Faucon-Crécerelle, le Martin-pêcheur d’Europe et le Pigeon Colombin. Ce sont des espèces protégées que la sanctuarisation de cette zone permettait, jusque-là, de préserver. La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) en a identifié d’autres qu’il est de notre devoir de protéger.
La dénomination Natura 2000 oblige l’État français à protéger la biodiversité présente sur le site. La Directive de l’Union européenne 92/43/CEE du 21 mai 1992 précise à propos du réseau Natura 2000 et des espaces consacrés : “Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive”.
La construction et la pérennisation de cet espace portuaire à quelques mètres à peine d’une zone consacrée va à l’encontre de cette législation et du devoir de protection des espèces. Cela engendrera aussi inévitablement une artificialisation, une bétonisation du sol, or cela va à contre-courant des objectifs du ZAN. Détruire des espaces naturels existants pour les remplacer par un entrepôt logistique, et une perte pour tout·es et en particulier pour les habitant·es des quartiers populaires à proximité. Priver de nature et d’espaces verts les habitant·es d’Epinay-sur-Seine ou de l’Île Saint-Denis conduit à dégrader leur cadre de vie et amplifier l’injustice environnementale.
Une véritable plateforme de report modal ?
Green Dock est présenté comme une plateforme de report modal qui permettra de développer le trafic fluvial et de réduire celui routier. Nous ne pouvons que contester cet argument malhonnête. Il permettra avant tout de faire circuler toujours plus de camions. La circulation de bâteaux représentera à peine 15% du transport de marchandises. Cela favorisera même la présence de camions, avec les milliers de
véhicules qui circuleront chaque jour, dans la région alors que nous souhaitons désengorger les routes. Bien que le projet prétende défendre le trafic fluvial, seules 22% des marchandises (en tonnes-kilomètres par an) arriveront par bateau. Cela paraît finalement très peu, moins d’un quart des marchandises, pour un argument sans cesse mobilisé par les promoteur·ices.
Le transfert du trafic vers le rail est également insuffisamment pris en compte dans le projet. La MRAe souligne que l’objectif étant de construire une plateforme multimodale, qu’il est donc nécessaire de rechercher encore davantage “le potentiel report modal vers le fret ferré”.
Le projet est présenté comme décarboné, or, l’avis rendu par la MRAe demande au pétitionnaire à la fois de “quantifier précisément les émissions de gaz à effet de serre générées ou évitées par la mise en place de solutions exposées” et de “préciser la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique du projet”. En effet, malgré l’image verte défendue par le projet, nous manquons d’éléments probants attestants de la valeur écologique de Green Dock.
C’est pour toutes ces raisons que les élu·es du Pôle Écologiste s’opposent à l’aboutissement du projet et demandent son arrêt immédiat.