Création d’un Établissement pénitentiaire à Crisenoy : contribution du Pôle Écologiste

A

Dans le cadre du “Programme 15 000” lancé par l’État en 2018, Crisenoy, commune de 700 habitant·es située à une dizaine de kilomètres de Melun, a été retenue pour accueillir un établissement de 1 000 places qui viendra notamment remplacer l’actuelle prison de Melun, d’une capacité de 300 places. 

Les élu·es du Pôle Écologiste de la Région Ile-de-France souhaitent par la présente contribution exprimer leur avis et leurs observations sur ce projet, qui les interpelle à plusieurs égards.

Au plan démocratique

Nos différents échanges avec les représentant·es de la commune de Crisenoy mettent en lumière un défaut manifeste d’information et de dialogue préalables. Élu·es comme habitant·es – qui ont marqué leur opposition ferme au projet – regrettent une décision verticale, prise dans l’opacité, imposée par les représentant·es de l’Etat sans prise en compte des intérêts locaux et dans le cadre d’un rapport de force déséquilibré.

On parle là, pourtant, d’une structure bien spécifique, dont la construction et la présence auront des conséquences majeures, dans les décennies à venir, sur l’environnement et la vie de celles et ceux qui y vivent, détenu·es et agent·es pénitentiaires comme habitant·es. 

Au plan environnemental

Pour implanter un tel bâtiment, 20 hectares sont nécessaires. Pas moins de 10 parcelles agricoles sont donc menacées. Outre la zone agricole, le site d’étude se trouve en zone naturelle.

En premier lieu, les alertes se multiplient (le 6ème rapport du GIEC, paru il y a seulement quelques jours, en est une nouvelle) pour nous exhorter collectivement à mettre en œuvre tous les leviers de protection de la nature et de la biodiversité et d’adaptation au changement climatique. Il y a urgence.

De plus, les terres menacées par ce projet sont des terres fertiles. A l’heure où les questions d’autonomie et de souveraineté alimentaires sont au cœur de tous les débats (crise sanitaire depuis deux ans, guerre en Ukraine…), le grignotage de ces terres par des projets urbanistiques démesurés apparaît plus encore comme une aberration.

C’est à l’inverse à une politique de sanctuarisation des terres agricoles qu’il faut donc s’atteler. 

La référence faite au projet de SDRIF de 2013 par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice pour la concertation préalable ne nous semble plus d’actualité et le potentiel d’urbanisation invoqué lui servant de justification est dépassé et obsolète.

La région Ile-de-France a pris 192 engagements à l’issue de sa COP en 2020. Parmi eux, l’objectif de zéro artificialisation nette, ambition climatique et environnementale majeure qu’elle affirme mettre au cœur du projet de révision du Schéma directeur, désormais agrémenté de l’épithète “environnemental”. Un autre de ses objectifs affichés est, en 2025, d’avoir divisé par 2 le rythme de consommation des espaces naturels et agricoles.

Ce projet apparaît ainsi clairement en contradiction avec de tels objectifs. A ce titre donc, l’implantation de ce bâtiment au milieu des champs n’est pas entendable et la promesse d’une exemplarité en matière de développement durable ne saurait suffire, tant l’on sait que rien ne peut se substituer à la préservation de l’existant. 

La lutte contre la dégradation et l’artificialisation des sols est une absolue nécessité et une exigence que le Pôle Écologiste à la Région Ile-de-France porte avec la plus grande vigueur dans le cadre de l’élaboration du nouveau Schéma directeur de la Région Ile-de-France, la mise en révision de celui de 2013 ayant été actée par délibération du Conseil régional d’Ile-de-France en novembre dernier.

Au plan humain

Les arguments et éléments de langage des représentant·es de l’État et de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice sur les impératifs de sécurisation et d’amélioration des conditions de vie des détenus et des personnels sont insatisfaisants et se heurtent à la réalité induite, si ce projet voyait le jour, par l’éloignement des détenu·es de la ville, de sa vie et de ses bruissements, des services publics, des infrastructures de transports, etc. 

Comment vont faire les familles pour rendre visite à leurs proches ? Comment imaginer qu’une immense prison au milieu des champs, avec une capacité d’accueil trois fois supérieure à l’actuelle prison de Melun, soit plus humaine ? Comment penser qu’en invisibilisant ainsi les détenus, en les excluant du monde et en les mettant un peu plus, symboliquement comme géographiquement, au ban de la société, on participe à leur réinsertion ?

De manière plus générale, notre famille politique s’interroge et travaille à mettre dans le débat public la question de l’enfermement et de l’incarcération, de leurs conséquences sur celles et ceux qui y sont directement confronté·es comme sur la société dans son ensemble. Nous nous opposons à la politique du “tout-carcéral” et pensons qu’il est nécessaire de construire et mettre en œuvre des alternatives à la prison, celle-ci ayant montré ses limites et ses écueils.  

Pour toutes ces raisons, le Pôle Écologiste de la Région Ile-de-France, dans le cadre de la concertation préalable en cours, exprime son opposition au projet de construction d’un établissement pénitentiaire sur la commune de Crisenoy en Seine-et-Marne.

Réponse de la Contrôleure générale des lieux de privatisation de liberté suite à notre interpellation

Date de publication : 4 mars 2022

Document annexe