Madame la Ministre,
Nous tendons par la présente â attirer votre attention sur d’importantes Evolutions du règlement intérieur du Conseil régional d’IIe-de-France susceptibles de porter atteinte â l’exercice du mandat de Conseiller régional, aux droits de I‘opposition et contraires, pour certaines, au droit.
Un projet de 14è modification du règlement intérieur depuis 2016 a été présenté en commission (e 9 mai dernier. Ce document, dont I’adoption figure â I’ordre du jour de (a séance plénière convoquée le 31 mai, prévoit notamment Ie relèvement – en cours de mandat – du seuil nécessaire pour constituer un groupe politique, qui passerait ainsi de 7 élus à 10.
Cette modification viendrait, dès I’entrée en application du règlement modifié, dissoudre deux groupes politiques constitués au lendemain des élections régionales de juin 2021. Ces deux groupes – La France Insoumise et Apparentés (8 membres) d’une part et La Gauche Communiste, Écologiste et Citoyenne (7 membres) d‘autre part – se verraient entre autres privés de temps de parole en séance, de locaux attitrés et se retrouveraient sans frais de fonctionnement de groupes politiques entrainant la fin de contrat de collaborateurs et collaboratrices de groupe actuellement en poste.
Cette situation nous interpelle et nous préoccupe vivement. Une telle modification du règlement intérieur viendrait en effet retirer des droits rattachés â l’exercice des mandats de I’opposition, tel que le droit â I’information et â l’expression. Cette modification, en cours de mandat, questionne également Ie principe de non-rétroactivité des actes administratifs et questionne sur la nécessaire stabilité du fonctionnement des assemblées électives pendant toute la durée d’un mandat.
Par ailleurs, en privant de moyens et de temps de parole les élus issus des groupes politiques visés, cette mesure – si elle était adoptée – porterait atteinte â I’exercice du mandat d’élu bien qu’il s‘agisse d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. S21-2 du Code de justice administrative.
Les auteurs de cette modification ne motivent en rien ce calendrier, ce choix d‘un nouveau seuil â 10 élus, ni ces apports au bon fonctionnement des instances. Pire, des déclarations dans la presse de plusieurs membres de l’exécutif régional étayent une argumentation politique, ciblant Ie travail accompli, dans Ie cadre du mandat électif, de personnes issues des deux groupes visés par la mesure. Nous ne pourrions pas, pour notre part, accepter I‘usage des instances régionales comme d’une arme politique â I‘encontre de tel ou tel groupe, tel ou tel élu.
Nous sommes par ailleurs très inquiets des conséquences en cascade que les Évolutions au sein du Conseil régional d’Ile-de-France pourraient engendrées dans d’autres collectivités si ce règlement modifié venait à être validé par les instances régionales et le contrôle de légalité. En effet, ce précédent pourrait susciter des mouvements similaires dans d’autres collectivités et ouvrir une instabilité certaine pour les assemblées, les élu·es et leurs collaborateurs.
Enfin, il nous semble important de vous préciser que la modification du seuil pour former un groupe politique ne constitue pas la seule modification proposée. En effet, il est également souhaité par la majorité régionale une énième réduction dos temps de parole des élus lors des stances plénières et l’instauration de sanctions liées au comportement dont la subjectivité et la proportionnalité (jusqu’à un an d’exclusion des instances) est contraire à la jurisprudence. Nous devons également porter à votre connaissance des déclarations répétées de l’exécutif visant â remettre en cause le droit d’amendement, prélude à une prochaine modification, 15e du nom.
Pour toutes ces Maisons, nous tenions Madame la Ministre à vous faire part de notre vive préoccupation et à vous alerter au regard des impacts que l’adoption de telles mesures est susceptible d’entrainer au plan national.
Nous comptons sur I’Etat, et notamment par votre vigilance et celle du contrôle de légalité, pour faire respecter le droit et prévenir toute atteinte aux droits de I’opposition alors que les conditions d’exercice des mandats locaux préoccupent légitimement Ie Gouvernement.
Convaincus de I’attention que vous porterez à cette alerte, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos salutations cordiales.
