Situation du bidonville de Saclay

A

Monsieur le Préfet,

Par deux courriers demeurés sans réponse, l’un en octobre 2021, l’autre en janvier 2022, nous vous avions interpellé quant à la situation, pour le moins précaire, des familles installées sur un terrain de la commune de Saclay, dont des bruits de couloir évoquent l’expulsion imminente.

Nous attirons à nouveau votre attention sur cette situation qui, en plus d’être dramatique sur le plan social et humain, interroge sur le plan de sa gestion par les pouvoirs publics locaux. 

Nous savons que vous avez également été interpellé par le Député de la 5ème circonscription de l’Essonne, Monsieur Cédric Villani, très mobilisé sur ce dossier.

Les habitant.es, régulièrement visités ces derniers jours par les forces de l’ordre et soumis à des informations multiples et contradictoires, sont perdu.es et terrorisé.es. Mais ce n’est là, finalement, que la suite logique de ce qu’ils vivent depuis des mois. En effet, à peine rendue, en décembre dernier, la décision de justice d’autoriser le maintien sur ce terrain de la population s’y trouvant, la mairie de Saclay avait fait couper l’arrivée d’eau sur les deux bornes à incendie jouxtant le campement. Cet acte, non sans graves conséquences humanitaires, sanitaires et sécuritaires, n’est malheureusement qu’un exemple parmi d’autres des atteintes récurrentes aux droits élémentaires de ces familles.

Nous, élu.es écologistes à la Région Ile-de-France, qui mettons la solidarité, la tolérance et la justice sociale au coeur de notre projet, sommes atterrés par cette situation et plus largement par la manière dont ces personnes, nomades par nécessité et non “par choix de vie” ou “par culture”, comme on l’entend trop souvent, continuent à être traitées, au mieux dans l’indifférence générale et la déshumanisation, au pire dans le rejet, le racisme et la xénophobie. 

Nous ne pouvons que regretter, encore une fois, que malgré la circulaire de janvier 2018, rien ou trop peu ne soit fait et coordonné, pour appréhender autrement que sous un angle strictement sécuritaire et judiciaire la situation de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants, afin de leur offrir un suivi adapté et la possibilité de s’inscrire dans des parcours d’insertion.

La circulaire est pourtant explicite et appelle à développer les axes suivants : 

  • Mettre en place une stratégie territoriale pour le traitement des campements illicites et des bidonvilles en vue de leur résorption ;
  • Apporter des réponses différenciées en fonction des caractéristiques des campements et des personnes ; 
  • Lutter contre la grande précarité et assurer le respect des lois de la république ;
  • Mobiliser les financements de l’Etat et rechercher les cofinancements.

Force est de constater qu’on est loin de ces objectifs et l’on ne peut que déplorer l’absence de dynamique impulsée par l’Etat, en lien avec les collectivités concernées et les associations qui pourtant, seules, se démènent sur le terrain. 

Par le présent courrier, nous vous demandons donc de bien vouloir nous faire part de vos éléments sur cette situation et des mesures envisagées  par les services de l’Etat pour y répondre de la manière la plus appropriée. Quel est le diagnostic social de ce bidonville ? Combien de familles et de ménages vulnérables sont-ils présents sur ce site ? Certains sont-ils inscrits dans des parcours d’insertion ? Des mises à l’abri sont-elles prévues ?

Faut-il rappeler le récent rapport de la Défenseure des droits déplorant des évacuations réalisées au mépris des droits fondamentaux, rappelant que le droit à l’hébergement d’urgence doit être garanti de manière inconditionnelle, que l’évacuation d’un campement doit toujours être précédée d’un (vrai) diagnostic social et global et ne peut être opérée sans que des solutions alternatives d’hébergement n’aient été identifiées au préalable et que des dispositions aient été prises pour assurer la continuité de l’accès à la scolarité et aux soins ?

Nous opposant fermement à la répétition systématique, inefficiente et inhumaine, d’un schéma de rejet, de relégation et de ruptures, nous plaidons avec force pour une approche respectueuse et digne de la problématique des bidonvilles dont nous rappelons qu’elle est d’abord et avant tout l’expression d’une grande précarité. 

Nous espérons vivement que vous saurez porter à ce courrier la meilleure attention. Restant à votre disposition, nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre haute considération.

Date de publication : 19 avril 2022

Document annexe