Tribune : Jeunesse, le grand abandon régional

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La jeunesse n’est pas un marché à se partager

Un collectif francilien d’élu·e·s de gauche et écologistes s’opposent à la politique du chiffre par l’exécutif régional, qui n’a de cesse de diminuer les budgets. Ils défendent un service public d’insertion et d’emploi de proximité, en phase avec les spécificités territoriales.

Alors que Valérie Pécresse avait annoncé vouloir faire de la jeunesse la grande cause de son budget 2023, voilà plus de six mois que la présidente de région s’attache méticuleusement à diminuer tous les soutiens financiers aux missions locales, acteurs franciliens de la politique de la jeunesse et de l’insertion professionnelle.

C’est un scénario en plusieurs actes qui commence en octobre dernier par la liquidation de Défi métiers et de ses 42 salarié·es. S’en suit, dans le sillon de la politique de casse de l’enseignement professionnel conduite par le gouvernement, la fermeture de plusieurs établissements parisiens. Nous apprenons ensuite, à l’hiver dernier, la fin du soutien financier de la région aux Espaces dynamiques d’insertion. Le budget 2023 vient finalement entériner encore un peu plus cette politique, avec une baisse drastique des subventions dédiées aux missions locales : de 17,4 millions d’euros en 2022 elles passent à environ 8 millions pour 2023, occasionnant par là même la suppression d’environ 160 postes de conseillers en insertion socioprofessionnelle et la fin de l’accompagnement de 2 400 jeunes.

En plus d’un budget au rabais, l’exécutif régional poursuit, par dogmatisme autant que par méconnaissance du travail accompli sur le terrain, une stratégie pleinement assumée de mise en concurrence des professionnels de ce secteur.

C’est ce qu’indique la révision sans aucune concertation du modèle de convention de financement des missions locales. D’une convention triennale leur permettant de se projeter et d’envisager des projets d’une année à l’autre, ces dernières ne seront plus financées que sur la base d’une convention annuelle où la politique du résultat régnera. Exit le critère «contexte économique» prenant en compte la situation territoriale d’une mission locale. Seul le nombre d’entrées dans des formations régionales sera pris en compte. Seul le critère de résultats a été retenu.

C’est ce que révèle ensuite le choix peu compréhensible de la région de créer une «agence de la promesse républicaine et de l’orientation» appelée «Oriane» dont le budget, estimé à 1 million d’euros, témoigne de l’absence de vision politique de l’exécutif régional et à la tête de laquelle on retrouve un ex-sportif de haut niveau qui était candidat sur la liste de candidats de madame Pécresse ainsi qu’une ancienne conseillère régionale de la majorité de droite déjà épinglée pour avoir été recrutée au sein de l’organisme Défi métiers juste comme lot de consolation après ne pas avoir été réélue. A travers cette agence, l’exécutif souhaite subventionner des associations à hauteur de 200 000 euros (c’est-à-dire pas grand-chose…) dans le cadre d’un appel à projet pour orienter des jeunes vers des formations professionnelles. Missions qu’assurent précisément les Missions locales.

La jeunesse doit être accompagnée avec précaution et non avec précipitation. D’autant plus après deux ans de crise sanitaire qui n’ont fait que renforcer leur isolement social. Rappelons qu’en 2022, 16,6 % des jeunes accompagnés par une mission locale sont sans logement fixe ou hébergés par des amis. Le plus important n’est pas tant d’augmenter le nombre d’entrées dans des formations régionales ou d’orienter vers des métiers en tension, mais bien de leur permettre de s’insérer de manière pérenne dans le monde du travail. Ces jeunes ont besoin d’un soutien personnalisé qui fait sens avec leurs envies.

Nous, élu·es Francilien·nes, nous nous opposons à la politique du chiffre et refusons que nos missions locales se transforment en agences de placement : nous demandons un moratoire sur les politiques menées en direction des missions locales. A contrario de l’action régionale en la matière, il s’agit de garantir un véritable service public d’insertion et d’emploi de proximité, en phase avec les spécificités territoriales et les besoins des habitant·es.

La jeunesse mérite mieux que des effets d’annonce d’un exécutif régional qui ne semble pas avoir pris la mesure des effets dévastateurs de sa propre politique. Nous proposons ainsi à tous ceux qui souhaiteraient s’y associer de travailler d’ici à la rentrée 2023 à la construction d’une campagne unitaire dédiée à la jeunesse francilienne.

A la différence de la politique hors sol de Valérie Pécresse, nous devons faire avec et non contre les professionnels du secteur en assurant des espaces d’échanges et de coopération. C’est pourquoi, nous continuerons notre travail de terrain mené depuis janvier dernier auprès des missions locales et nous l’étendrons à d’autres structures d’insertion jeunes. Nous recueillerons les besoins et les idées innovantes qui émanent du terrain parce que ce sont les acteurs du quotidien et les usager·es qui savent !

Assez de temps perdu, Il est urgent de construire une véritable politique ambitieuse et de prendre en compte la parole des professionnels et des jeunes d’Ile-de-France.

Les élu·es de gauche et écologistes de la Région Ile-de-France

Date de publication : 30 mars 2023

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