Jeudi 10 octobre se tiennent au Conseil Régional les Assises du métro pour tous, une initiative de Valérie Pécresse pour la mise en accessibilité du métro parisien historique. Nous soutenons l’objectif, alors que seule une quinzaine de stations sur les 245 intra-muros (soit 6%) sont accessibles. Nous déplorons cependant le fait que la Présidente de Région ait attendu 9 ans à la tête de la Région et la séquence des Jeux Paralympiques pour aborder le sujet.
Le Pôle Ecologiste avait produit la contribution suivante, afin que soient inclues ces propositions dans le projet de motion appelant à ces Assises. Malheureusement, peu d’entre elles y furent retenues ; nous les défendrons toutefois en séance.
Un vrai revirement dans la politique transports régionale
Ni le CPER, ni le SDRIF-E, ni le plan des mobilités n’envisage un tel plan de mise en accessibilité du métro parisien, que ce soit en termes financiers, de calendrier, de stratégie, de méthode ou d’approche technique.
Le budget Accessibilité des transports de la Région IDF de 2023 n’était consommé qu’à moitié à la fin de l’année : 25 M€ affectés à la fin de l’année alors que 50 M€ étaient prévus. A noter que l’estimation du coût de la mise en accessibilité universelle du métro parisien se situe entre 4 et 6 milliards d’euros par le délégué spécial en charge des JOP à la région Île-de-France.
Exemple flagrant : la rénovation de la Gare d’Austerlitz ne prévoit pas la mise en accessibilité du métro ou du RER. Les amendements du pôle écologiste ont tous été rejetés.
Citons également les nombreux dysfonctionnements du service PAM qui ont mis du temps à se résoudre.
Nous saluons donc l’initiative prise, bien que nous restons attentifs à ses résultats concrets, mais regrettons toutefois son caractère tardif, en particulier dans la mesure où l’exécutif régional est en place depuis maintenant 8 ans, et que l’échéance des Jeux Paralympiques aurait dû être un catalyseur d’action publique. Le monde est venu à Paris, et y a malheureusement constaté notre retard en la matière.
Il ne serait donc, en l’espèce, pas malhonnête de penser que ces promesses non tenues et le timing des annonces démontrent une hypocrisie de l’exécutif sur le sujet de l’accessibilité, et donc sur le dos des PMR, et par extension des 1,3 millions de franciliennes et franciliens en situation de handicap. En effet, il faut expliciter un fait : les PMR ne sont pas les seuls publics pour lesquels il faut rendre accessibles les transports et la société. Il faut y ajouter tous les troubles cognitifs, physiques, psychiques ou psychologiques qui, couplés à nos infrastructures discriminantes à leur situation, leur rendent la vie difficile. Les entraves à la liberté effective de circuler éloignent les personnes concernées de l’emploi, de la culture, de l’éducation, d’une vie sociale épanouie… bref, de leurs droits et de leur bien-être.
L’accessibilité du métro parisien : ne pas promettre l’impossible
L’accessibilité du métro n’est pas qu’une question de priorité budgétaire et de bonne volonté politique : beaucoup de stations ne peuvent pas techniquement être équipées d’ascenseurs. Ces difficultés logistiques d’adaptation difficilement surmontables de certaines stations ont justifié jusqu’à présent la dérogation parisienne pour l’application de la loi de 2005 pour le métro parisien. Or, selon la RATP, 50% des stations ne pourraient pas être équipées d’ascenseurs pour diverses raisons matérielles : présence d’égouts, terrains instables, enchevêtrement de tunnels, manque de place sur la voirie pour la sortie, etc.
Il est donc nécessaire de réaliser une mise en accessibilité partielle et graduée en priorisant les principales correspondances, de manière à assurer un réseau suffisamment maillé pour permettre un accès décent aux principaux lieux d’intérêt de la capitale.
Connaître la vérité : rendre publiques les études réalisées et les compléter le cas échéant
Nous savons d’ores et déjà que seul 3% du réseau de métro est accessible aux PMR, soit 15 stations sur plus de 300, contre plus de 50% à Londres ou Berlin, et près de 90% à Barcelone. En revanche, nous ignorons combien de stations peuvent techniquement être rendues accessibles.
Or, une centaine d’études techniques sur la faisabilité de la mise en accessibilité des stations du métro parisien furent réalisées entre 2012 et 2014 par les services de la RATP, qui ont donné lieu à autant de rapports techniques qui n’ont jamais été rendus publics. Nous devons donc exiger de la RATP et de IDFM l’accès à ces rapports d’intérêt public, avec des explications incluant les dispositifs de mise en sécurité (notamment les espaces d’attente sécurisée/EAS), et en cas de refus de communiquer les résultats de ces études, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) doit être saisie.
Des pistes de réflexion à étudier et déployer
En conséquence des limites (notamment foncières et techniques) qu’ils présentent, l’étude de solutions alternatives aux ascenseurs, innovantes, doit faire l’objet d’une attention particulière. On peut par exemple penser au retrofit d’escalators pour les rendre compatibles avec les fauteuils, poussettes, et autres situations de PMR. Il faut aussi reconnaître les limites des systèmes “tout-ascenseur”, en particulier dans les cas où un seul serait installable ou installé : une panne pourrait “piéger” les PMR et compromettre, net, le caractère accessible d’une station ou gare. Force est de constater, donc, le caractère versatile et résilient d’une présence généralisée de personnel de station, notamment formé et habilité à assister les PMR ; il conviendra donc de s’appuyer en particulier sur cette “solution” humaine, qui contribue au confort, à la sécurité et à la qualité du trajet des PMR, touristes, et usagers du quotidien. Enfin, certaines grandes villes européennes, à l’image de Copenhague ou Berlin, ont fait le choix du retrait des portillons et tourniquets – améliorant de fait l’accessibilité aux trains et quais des métros – et privilégient une stratégie de contrôles accrus pour lutter contre la fraude. Cette option doit faire l’objet d’une étude sérieuse.
Budget : des priorités à arbitrer
Le budget accessibilité se doit d’être efficace : ainsi la priorité sur le métro parisien se discute au regard des besoins en petite et grande couronne. Des solutions moins chères et plus efficaces doivent être aussi intégrées : un réseau de bus et de tram 100% accessibles, associée à une baisse de la circulation automobile pour fluidifier les circulations des véhicules PMR, PAM et bus, augmentation de la longueur des trains et de leurs fréquences… Il faut en effet rappeler que l’accessibilité dépend en effet de l’aptitude pratique à accéder à un lieu ou équipement (rampes d’accès, quais au niveau des trains/bus, etc…), mais qu’elle peut également être favorisée – surtout dans la mesure où toutes les stations ne pourront pas être rendues accessibles – par une fréquence accrue (elle-même favorisée par des dispositifs comme les TCSP), une augmentation de la tailles des wagons et bus, une couverture plus fine des modes de transports alternatifs aux métros (PAM et bus), etc. D’autant que ces solutions et pratiques auraient d’importants co-bénéfices pour tous les autres usagers des transports en commun.
Autrement dit, il convient de reconnaître que la voiture et la place qu’elle prend (figurativement et littéralement), constitue en réalité un obstacle à l’accessibilité de la société pour les PMR – le développement d’alternatives fonctionnelles, en particulier l’adaptation des transports en commun existants, est donc nécessaire – de même que des solutions comme les couloirs réservés aux bus, de plus larges trottoirs, etc.
De plus, il convient d’intégrer la mise en accessibilité dans le CPER.
La nécessaire collaboration avec les associations
La définition de la stratégie d’accessibilité doit se faire en concertation étroite avec les associations d’usagers, dans leur diversité. Nous pensons évidemment aux association de personnes en situation de handicap (elles-mêmes nombreuses et variées car représentantes de troubles multiples), mais pas uniquement : les associations féministes, par exemple, peuvent éclairer sur la marche à suivre pour l’adoption d’une politique d’accessibilité le plus inclusive possible – objectif que nous devons partager – en particulier sur les questions de genre.
L’accessibilité : un enjeu global qui n’est pas cantonné aux transports
Par ailleurs, il convient de rappeler que l’accessibilité doit impérativement être envisagée à partir d’une approche globale. En effet, rendre accessible les transports est un maillon indispensable mais insuffisant de la chaîne qui permettra de rendre la société inclusive pour toutes et tous, et non-discriminante : si le métro est accessible mais que le lycée ne l’est pas, un étudiant à mobilité réduite ne sera pas en mesure d’accéder à l’éducation dans la même mesure qu’un camarade qui ne le serait guère, rompant ainsi la promesse républicaine de l’égalité entre les citoyens. Il relève, en conséquence, du devoir des pouvoirs publics d’activer tous les leviers à leur disposition pour permettre l’avènement d’une société globalement accessible, inclusive. Logements, commerces, administrations et équipements publics, lieux de culte… Dans la mesure du possible, notre responsabilité collective, notre devoir les uns envers les autres, est de permettre l’accès des lieux de vie à toutes et tous. En l’espèce, notre région dispose de pouvoirs importants, relatifs à son champ de compétence étendu, pour assumer sa part de cette responsabilité.
De ce fait, nous considérons qu’un plan d’accessibilité des transports, bien qu’indispensable, doit s’inscrire dans un véritable plan global et cohérent d’accessibilité régionale, incluant les contributions des collectivités infra-régionales pertinentes, de la société civile, de l’Etat, de la RATP, de IDFM, et du CESER.
Conclusion
En dépit du retard pris par la région sur le dossier de l’accessibilité, nous nous réjouissons de l’opportunité que présente l’arrivée de cette initiative politique à l’agenda. A la majorité régionale, donc, de démontrer par de actes concrets qu’”un métro pour tous” ira plus loin que l’effet d’annonce, et atteindra des objectifs ambitieux qui amélioreront significativement le quotidien de nos concitoyens qui ont de la difficulté à accéder aux transports franciliens, et donc à la culture, la santé, l’emploi, l’éducation, une vie sociale épanouie, etc.
Nous recommandons donc un vrai choc de moyens, humains et financiers, pour être à la hauteur de ce défi – bien au-delà de ce qui a constitué le budget consacré à l’accessibilité jusqu’alors.
Par ailleurs, nous demandons la mise en place d’un plan séquencé ainsi que de mécanismes de suivis transparents et démocratiques, incluant les parties prenantes pertinentes : publiques et citoyennes. Ce plan doit être inclus dans une stratégie plus large : plutôt qu’un plan “métro accessible”, nous avons besoin d’un plan “région accessible”.
Sur le plan discursif, il est essentiel de reconnaître l’antagonisme entre notre modèle du “tout voiture” et de notre ambition d’une région inclusive sur le plan de l’accessibilité, dans la perspective d’une ambition républicaine “liberté, égalité, accessibilité”. Les pouvoirs publics doivent être garants de cette promesse.