Orientations Budgétaires 2023 : encore des économies sur le dos des Francilien·nes

A

Avis de la Commission Finances

Merci Monsieur le Président de séance, 

La commission des finances a émis un avis favorable. 

Je vais être rapide mais je voulais faire part de quelques remarques de la part des commissaires. 

La première d’entre elles est que les recettes de la région ne se sont finalement pas effondrées et que la région a bénéficié de l’action de l’Etat. 

Nous avons eu c’est vrai, vous mentionniez ce sujet Monsieur de Vice-Président, un échange sur les agences de notation. En vous écoutant je me disais que cela serait bien d’avoir une séance de réflexion sur ces agences ; puisque d’un côté l’exécutif pense que sans les notes accordées par les agences nous ne pourrions pas aller emprunter sur les marchés à des taux intéressants, de l’autre, d’autres commissaires estiment que nous pourrions très bien nous financier auprès des établissements financiers. 

Il a été noté par ailleurs que ces notations sont un peu faussées puisque l’on sait très bien que l’Etat est garant, donc ce n’est pas la région qui, toute seule, fait l’objet d’une notation. 

Sur cette notation, une question aussi de l’impact de la dégradation de la note d’IDFM sur la région. 

Des remarques sur la fiscalité régionale, le swap TVA/CVAE qui ne constituera peut-être pas une véritable solution à long terme. 

Une question aussi sur la trajectoire de l’emprunt avec les taux qui remontent. 

Et puis, côté dépenses : 

  • des interrogations évidemment sur les transports, la stabilité du Pass Navigo. 
  • des demandes de détail du les crédits annoncés du plan régional d’adaptation au changement climatique.
  • de fortes fortes inquiétudes sur le volet mobilité, je pense que cela est une préoccupation commune de tous les commissaires, volet mobilité du CPER. 
  • et enfin, une question sur l’enveloppe énergie dans les bâtiments de la région et des lycées. 

Mais nul doute que les commissaires auront toutes leurs réponses dans quelques semaines dans les annexes budgétaires.

Madame la Présidente, 

Monsieur le Premier Vice-président, 

Comme chaque année, nous avons un temps fort de discussion sur les orientations budgétaires.

Comme chaque année, vous nous présentez des chiffres de taux d’épargne brute, de capacité d’autofinancement et de désendettement qui à l’atterrissage, au moment du compte administratif, se révéleront fort différents.

Comme chaque année, vous entendez contenir la dette. La doxa libérale a tellement martelé que nous n’avons pas d’argent que d’aucuns finissent par le croire… Tout comme elle assène depuis si longtemps que la dette, c’est mal. Alors que nous continuons à rappeler que la dette n’est pas problématique, y compris aujourd’hui, tant qu’elle est soutenable (vous savez comme moi que malgré la remontée des taux, nous devons raisonner en réel). Car c’est bien la dette qui peut nous permettre d’investir massivement dans la transition écologique et faire le pari de l’avenir.

Nous faisons le constat que ces orientations sont très semblables à celles des années précédentes.

Et pourtant, la situation a changé. Pas tant au niveau national où on nous psalmodie toujours les mêmes litanies (je pense notamment à l’inéluctable énième réforme des retraites, qui constituent pourtant un véritable amortisseur pour nos concitoyens : plus de 330 milliards d’euros versés chaque année soit environ les recettes du budget de l’État). 

La situation a changé dans le monde qui nous entoure et dans notre quotidien. Il y a un an nous n’étions pas sortis de la crise sanitaire certes.

Mais il y a un an, la guerre n’était pas à nos portes.

Il y a un an nous étions très loin d’imaginer que les prix de l’énergie grimperaient autant (par manque d’anticipation peut-être) et que notre souveraineté économique et énergétique serait autant affaiblie, que finalement l’Europe serait aussi marginalisée dans un contexte géopolitique particulièrement tendu.

Il y a un an, nous commencions à cependant percevoir le retour de l’inflation, éternelle crainte des néolibéraux qui voudraient aujourd’hui empêcher l’augmentation des salaires de ceux qui vivent parfois avec si peu bien que travaillant pour tous.

Dans ce contexte, le gouvernement table sur une prévision de croissance de 1 % en 2023 ( le FMI évoque désormais le chiffre de 0,7 % et l’OCDE 0,6 %). La France échapperait à la récession technique subie par l’Italie mais ces données hypothèquent clairement tous les chiffrages présentés dans le PLF 2023 qui si on en croit la couverture du dossier de presse est pourtant censé « protéger les Français et aller vers le plein emploi… ».

Difficile il est vrai dans ces conditions de faire des prévisions de recettes régionales, notamment de TVA, qui constitue désormais la moitié de nos ressources. La TVA, impôt proportionnel au rendement majeur dans un système fiscal dont la progressivité a été progressivement écornée par les gouvernements successifs, alimente désormais les budgets européen, de l’État, sociaux et locaux. Ce swap avec la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises amenée à disparaître, ne saurait constituer une avancée pour notre fiscalité locale dont l’autonomie est désormais plus que relative.

La grandeur et le développement économique durable d’un pays se mesurent notamment à l’aune des services d’éducation, de santé et de transport offerts aux citoyens. Notre région apporte-t-elle sa pierre à un tel dessein dans ses orientations budgétaires ? je ne pense pas.

Nous voulons encore croire que “L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde.” (Nelson Mandela). Mais nous constatons que pour votre majorité, l’objectif de la formation professionnelle est désormais de « répondre aux besoins de main d’œuvre des entreprises ». Nous constatons qu’après avoir rencontré des problèmes récurrents, fait face à un plan de rationalisation, vu les polyvalences supprimées (je pense notamment au lycée Elisa Lemonnier dans le 12ème arrondissement de Paris, grande dame considérée comme la fondatrice de l’enseignement professionnel pour les femmes en France), nos lycées vont désormais vivre un déplacement des filières professionnelles. Et vous supprimez les EDI indispensables au retour de l’emploi des jeunes les plus en difficulté.

En matière de transports : comment en sommes-nous arrivés là quand nos voisins ont mis en place même temporairement le forfait mensuel à 9 euros ou le Klima Ticket ? Le signal d’alarme est tiré et les trains seront demain à l’arrêt.

Tardivement, vous reconnaissez le nécessaire retour à une offre à 100 %. Il faut préférer le train, quand c’est possible, à la voiture, nous en sommes convaincus et geler le prix du Pass Navigo. Mais là aussi, le projet n’est-il finalement pas d’aller vers une privatisation de ce qui constitue pourtant un bien majeur pour le développement du pays et notre principale responsabilité en Ile-de-France ?

Vous ne semblez pas aussi attachée que nous le sommes aux services publics alors que ce sont eux qui peuvent nous aider à faire preuve de résilience. Sans l’argent public, combien de reculs aurions-nous connus durant la crise sanitaire ? Ce sont bien les pouvoirs publics et non les algorithmes du trading à haute fréquence qui ont financé les acteurs et servi d’amortisseurs.

En matière économique, les objectifs sont loins d’être à la hauteur des enjeux socio-climatiques. Votre vision finalement très microéconomique se cantonne aux besoins individuels des entreprises sans tenir compte de leurs impacts sur les franciliens. L’orientation technologique et volontariste affirmée ne prend pas en compte la nécessité d’avoir des entreprises véritablement vertes.

Alors oui vous avez adopter un plan d’adaptation au changement climatique. Mais vous êtes dans le déni de l’urgence climatique, en décalage. La politique choisie par votre exécutif met en lumière une contradiction entre les objectifs environnementaux affichés et les moyens économico-financiers.

Pour terminer, je forme le vœu qu’une réflexion s’ouvre en 2023 sur le budget sensible au genre ou budget pour l’intégration de l’égalité comme aime à l’appeler Marie-Pierre Badré. Vos orientations budgétaires ne sont pas les nôtres, c’est bien vous qui êtes en responsabilité cher collègue Thomas Gourlan, et je veux suivre ici plutôt une éthique de conviction, mais nous prenons acte du débat. Nous pensons que nous pourrions progressivement évaluer ensemble si les crédits dépensés favorisent ou non l’émancipation des jeunes filles et des femmes dans notre région et leur autonomisation économique. Cette réflexion peut nous permettre de progresser pour une société plus résiliente et plus juste.

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Conseil régional : Novembre 2022_copy

Thématique : Institution

Élu·e : Anne-Claire Jarry-Bouabid