Monsieur le Président de séance ,
Monsieur le vice président,
Monsieur le président du CESER,
Madame la rapporteuse du CESER,
Mesdames et Messieurs les agents des services que je voulais saluer pour le travail qu’ils mènent au sein de notre collectivité et dans le cadre du SDRIFE,
Le contexte ne nous permet pas d’avoir les échanges sereins, posés et argumentés que nous attendions.
Le report de la séance, s’il a été unanimement compris et accepté, n’en retire pas moins à ce débat la teneur qu’il devait avoir, et qui se justifiait par l’importance majeure du SDRIFE pour le devenir de notre région. Nous le regrettons.
La qualité du débat public est la condition du bon fonctionnement de notre démocratie, un outil essentiel au service du “vivre-ensemble”, qui ne saurait être seulement une incantation.
Nous exprimons à nouveau ici notre conviction que nous toutes et tous, élu.es de la région, municipaux, territoriaux, parlementaires, avons le devoir de protéger le dialogue et le débat et d’être, en la matière, exemplaires.
La concertation, elle, se définit par la capacité à proposer les conditions d’un dialogue franc et éclairé, à faire participer l’ensemble des composantes du corps social aux décisions qui les concernent. Et nous sommes toutes et tous éminemment concerné.es par le SDRIFE.
Mais la vitrine que vous avez donnée à la concertation, avec un bus, quelques réunions publiques, un jeu de cartes et un site internet, aussi bien construit soit-il, ne peut masquer la réalité. La concertation sur le SDRIFE n’a pas été à la hauteur des enjeux et, tout au long du processus, elle est restée superficielle, parcellaire et verticale.
Les nombreux retours qui nous sont faits – et ce matin encore, la présence des associations environnementales devant le siège régional en témoignait – le démontrent.
Hors les commissions extraordinaires que vous nous avez concédées, jamais nous n’avons pu travailler ensemble, jamais nous n’avons pu, avant avril, disposer d’éléments cartographiques, jamais nous n’avons même pu consulter les contributions des territoires.
Et il aura fallu attendre le vendredi 30 juin, soit 4 jours avant la date de la séance initialement programmée, pour que vous nous transmettiez l’avis du Préfet de la Région Ile-de-France, pourtant daté du début du mois de juin !
A le lire, on comprend pourquoi vous l’avez gardé par devers vous…!
Sous cet acronyme un peu barbare de “SDRIFE”, ce dont il est question aujourd’hui, c’est plus qu’un document d’aménagement et d’urbanisme.
Ce dont nous parlons, c’est du projet politique que nous portons, les un·es et les autres, pour notre territoire et pour les habitant·es.
Le SDRIFE soumis au vote aujourd’hui est le fruit d’une construction solitaire et univoque, c’est un projet conservateur qui prolonge l’existant. Nous ne pouvons qu’en être profondément inquiet·es.
Vous avez ajouté un E, pour environnemental, à votre projet. Nous aurions préféré le E d’écologique, moins ethnocentré et prenant en compte les interactions entre les différentes formes de vivant et par conséquent, la mesure réelle de l’impact de l’activité humaine sur la nature et la biodiversité. C’est à ce titre que nous avons, notamment, défendu farouchement l’intégration de la trame brune.
Mais que ce soit le E d’environnemental ou le E d’écologique, finalement, c’est à une nouvelle version de La Disparition, de Georges Perec, que nous avons droit.
Largement documentées, les exigences de sobriété, de réduction des GES, d’adaptation, ne sont pas des options politiques et auraient dû être la boussole, la colonne vertébrale de ce Schéma.
“Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne par la gorge”, disait Winston Churchill.
C’est ce que nous attendions de ce SDRIFE, qui est une opportunité majeure pour notre région de se réinventer et de prendre le chemin d’un futur désirable et soutenable, pour toutes et tous.
La composante politicienne de votre projet de SDRIFE, est si prégnante que le document ne peut être que biaisé.
Ainsi, par dogmatisme, vous faites délibérément l’impasse sur la production de logement social et très social, ignorant les besoins criants des habitant·es qui, pour 70 % d’entre eux, y sont éligibles !
Comment continuer d’appliquer l’indigne clause “anti-ghetto”, comment refuser de rappeler à leurs responsabilités les communes hors la loi – la Présidente n’a eu aucun mot pour les villes qui ne respectent pas la loi SRU, il faut aussi condamner les ghettos de riches – quand les inégalités d’accès au logement, le mal-logement, font tant de mal à notre région ? Même le Préfet de Région vous rappelle à l’ordre sur ce point crucial !
En imposant cela, vous démontrez encore une fois combien vous instrumentalisez et tordez les concepts – prenons les autres exemples du polycentrisme et de la mixité sociale ! – et combien vous faites le choix conscient d’ancrer les inégalités.
Pire, par vos orientations vous vouez notre territoire et ses habitant.es, particulièrement celles et ceux qui souffrent déjà, à souffrir encore plus demain.
En actant un objectif de seulement 20 % de réduction par décennie du rythme d’artificialisation, vous fermez les yeux sur l’urgence climatique et écologique, lui préférant la pérennisation d’un modèle de développement économique mortifère, qui se nourrit d’une course effrénée à la compétitivité, à la surproduction et à la surconsommation qui détruit nos ressources et pollue.
Préférer s’enfermer dans un modèle passéiste qui fera perdre à l’Ile-de-France un temps inestimable, et probablement irrattrapable, est irresponsable.
Par nos amendements, nous avons dessiné une autre perspective pour l’Ile-de-France, celle d’un SDRIFE qui traduit concrètement et partout sur le territoire le S de sobriété, le D de démocratie, le R de résilience, le I d’inclusion, le F de féminisme et le E d’écologie.
Préserver nos ressources et nos biens communs, partager les richesses, protéger la santé des habitant·es, leur donner un égal accès à l’emploi, à la formation, à une alimentation de qualité, aux services publics essentiels, au logement, à la culture, à la nature, est la seule voie vers la cohésion sociale et un futur viable.
Voilà les lignes fortes que ce SDRIFE aurait dû tracer. Le SDRIFE de l’exécutif soumis au débat et au vote avant l’enquête publique est un rendez-vous manqué.